jeudi, décembre 22, 2005
Auguste ou Monsieur Loyal ?
Il aura fallu tout ça pour qu’enfin on capte que c’est à travers le vote que l’on peut se faire réellement entendre. Comme dirait l’autre votez dur votez mou mais votez dans le trou…il est là le vrai pouvoir au fond d’une urne.« Le vote, porte-voix pour les jeunes. Quelques semaines après la fin des violences urbaines, des initiatives fleurissent pour inciter les jeunes à traduire leur malaise dans les urnes. Les voix de Jean-Pierre Bacri, Jamel Debbouze, Alain Chabat, Mathieu Kassovitz ou Lilian Thuram seront-elles assez puissantes pour que les voix des jeunes se fassent entendre lors des prochaines échéances électorales ? Ces derniers répondront-ils à leur appel ? Iront-ils s’inscrire sur les listes électorales ? Il est plausible que le message passe cette fois-ci. Non pas seulement parce que des artistes et des personnalités mettent tout le poids de leur notoriété au service du civisme. Mais aussi sans doute parce qu’une certaine prise de conscience sur l’importance du vote commence à prendre corps parmi les jeunes des cités populaires après trois semaines de violences urbaines. Çà et là fleurissent de nouvelles associations ou groupes qui réfléchissent aux suites à donner aux événements de cet automne. Les conseils locaux des jeunes, comme ceux de Blanc-Mesnil et de Stains, en Seine-Saint-Denis, connaissent une affluence inhabituelle. Autant de signes d’un éveil à la citoyenneté. Une dynamique est engagée L’initiative, parrainée par des chanteurs, des acteurs et un footballeur, participe de cette dynamique. "Nous voulions qu’un acte citoyen relaie toutes les énergies déployées pendant les révoltes sociales", raconte Jean-Claude Tchicaya, adjoint au maire de Bagneux, cofondateur - avec Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, la journaliste Leïla Dexmier et le rappeur Joey Starr - du collectif Devoirs de mémoires, à l’origine de la campagne sur la votation. Leur texte incite «jeunes et moins jeunes de la patrie» à s’occuper de la politique. "Ensemble, écrivent les auteurs, choisissons de construire l’avenir. S’inscrire, c’est nécessaire, surtout maintenant. Nous ne voulons pas revivre le 21 avril 2002." La crainte d’un mauvais remake semble fondée si l’on en croit un sondage, publié dans le Monde du 15 décembre, qui tend à montrer que les idées d’extrême droite s’installent dans la société. Un Français sur quatre (24 %) se dit en accord avec les positions de Le Pen sur la sécurité, sur l’immigration ou sur la situation dans les banlieues. Une raison de plus pour que les personnes directement pointées du doigt par Le Pen, et quelques autres, s’expriment haut et fort. Le texte signé par Lilian Thuram et ses acolytes les incite à aller s’inscrire sur les listes électorales le 20 décembre prochain. Un jour symbolique où, collectivement, chacun est appelé à se diriger vers sa mairie. Une démarche que quatre parrains, Jamel Debbouze, Guillaume Depardieu, Mohamed Dia et Joey Starr, et une vingtaine de jeunes de dix-huit ans effectueront ce jour-là, main dans la main, à l’hôtel de ville de Clichy-sous-Bois (93), commune où les violences ont débuté après la mort de Zyed et Bouna. L’action est d’autant plus saluée qu’elle tente de briser la fatalité de l’abstention record qui affecte les cités dites "sensibles". "Son taux avoisinait les 70 % au premier tour de l’élection présidentielle de 2002. Si on calcule l’abstention par rapport à la population en âge de voter, et non par rapport aux inscrits sur les listes, le taux grimperait à 80 %", explique Jean-Marc Montel, secrétaire général de l’association Civisme et démocratie (Cidem), fondée par la Ligue des droits de l’homme et la Ligue de l’enseignement. L’association mène chaque année, depuis cinq ans, une campagne d’incitation au vote. Jean-Marc Montel se dit persuadé que si cette population se mettait à voter à 80 %, «mécaniquement, la place de ces quartiers dans l’intégralité des programmes gouvernementaux et dans ceux des partis politiques changerait. Ces jeunes n’ont pas de poids électoral, donc on ne s’en occupe pas. S’ils veulent avoir un poids en politique, il faut qu’ils aillent voter". Paradoxalement, note Jean-Marc Montel, "les 15-24 ans, selon nos enquêtes, sont une génération particulièrement politisée, très intéressée par les questions de société, tels que l’exclusion, l’injustice ou les rapports Nord-Sud. Mais cette génération n’est pas attirée par les formes traditionnelles de militantisme". Autonomiser la jeunesse C’est si vrai qu’à Pau, les communistes ont été surpris de voir une quinzaine de jeunes d’une cité populaire venir à leur meeting. "Ils ont voulu rencontrer Marie-George Buffet avant le forum, et ils y sont restés et y ont pris la parole", raconte Olivier Dartigolles, responsable PCF à la jeunesse. Lui aussi salue la campagne d’incitation à la votation et la met en lien avec les multiples initiatives sur le droit de vote des résidents étrangers. Mais, estime-t-il, "il faut dans le même temps pousser tous les autres feux pour avoir une réponse globale". Et de citer, entre autres, la relance de la revendication sur une allocation autonomie jeunesse. En janvier-février, des affiches du PCF fleuriront sur les murs de France appelant les jeunes à prendre part au combat politique. CLICHY-SOUS-BOIS (AP) - Le collectif "Devoirs de mémoire", soutenu par des personnalités telles que Joey Starr, Lilian Thuram ou encore Jamel Debbouze, a lancé un appel mardi après-midi depuis Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) pour que les jeunes s'inscrivent sur les listes électorales, afin d'exercer leur droit de vote. Mais ce rassemblement, qui se tenait dans la ville où les violences urbaines avaient démarré le 27 octobre, a immédiatement suscité un débat sur l'opportunité d'une telle initiative. "Voter pour qui? Personne ne nous représente!", a lancé Boris Gamthety, un jeune graphiste de 28 ans, exprimant le sentiment de frustration de nombreux jeunes qui se sentent marginalisés dans la société française. "Il ne faut pas oublier ce qui s'est passé aux dernières élections. On s'est retrouvés avec Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac. On n'a pas eu le choix. Aujourd'hui on a encore le choix", a affirmé pour sa part Jamel Debbouze. "On est Français, on est fiers, on a grandi ici, on est nés ici, on est des 'iciciens"'. "Je suis là parce que je trouve effectivement que chacun doit faire son devoir de Français, c'est-à-dire voter. Il y a 40% d'abstentionnistes, c'est une catastrophe pour les résultats. On s'en est aperçu en 2002", a renchéri l'acteur Jean-Pierre Bacri. "La France traverse une crise grave d'identité majeure, tout le monde doit se sentir concerné", avançait pour sa part Lilian Thuram dans "Le Parisien/Aujourd'hui en France". "Pour combattre un problème, on a le choix: soit on analyse, soit on s'enfonce". "Nous vivons dans une période où on nous enseigne la peur. Elle est voulue, entretenue politiquement", a déploré le champion du monde 1998, qui s'était emporté contre les propos de Nicolas Sarkozy. "S'il vous plaît, réveillez-vous! Nous sommes français et il n'y a aucune honte à l'être malgré tous les problèmes. Voter, c'est exister", a lancé le rapper Joey Starr, en affirmant qu'il s'était lui-même inscrit mardi sur les listes électorales. Boris Gamthety a répliqué que Joey Starr n'avait pas à donner des leçons de civisme. "Je n'ai jamais voté, et pour vous dire la vérité, je ne voterai probablement jamais". Mais certains des quelque 300 participants se sont en revanche sentis concernés par l'appel, puisque plusieurs dizaines d'entre eux sont allés s'inscrire sur les listes à l'issue de la rencontre. Sofiane Mokhtari, 18 ans, a ainsi déclaré que ses parents l'avaient encouragé à voter, mais qu'il avait réalisé l'importance de faire preuve de civisme en voyant les violences dans son quartier. "Je préfère agir plutôt que seulement regarder les choses arriver", a-t-il dit, en s'inscrivant sur les listes, qui seront closes le 31 décembre.