mercredi, novembre 09, 2005

 

La cité de Dieu.

Bien aimé ce film "Années 60. Gamin de onze ans, Fusée habite la Cité de dieu, une banlieue pauvre de Rio. Son grand frère vit de chapardages et se retrouve mêlé à un meurtre sordide. Petit Dé admire le gang de Tignasse et rêve de devenir le roi du quartier. Années 70. Petit Dé prend en charge le trafic de drogue avec la complicité de Bené. Paranoïaque, le caïd souhaite se débarrasser des autres dealers. Plus sentimental, Fusée tombe amoureux de la jolie Angelica. Années 80. Petit Dé devenu Petit Zé règne sur un empire de la drogue. Il ne tolère plus la moindre résistance et viole la compagne de Manu Tombeur. Ce dernier s'allie avec Carotte pour se venger. Fusée devient le témoin privilégié de cette guerre urbaine. Pour son troisième long métrage de fiction après une carrière publicitaire, Fernando Meirelles s'attaque à un Everest de la littérature brésilienne, Cidade de Deus de Paulo Lins: le récit sur plus de six cent pages d'une favela de Rio de Janeiro, peu à peu gangrenée par les trafics de drogue et la guerre des gangs. Trois histoires s'entrechoquent sur une période de trente ans; trois cent personnages se pressent autour d’un jeune garçon servant de narrateur omniscient. Témoin passif de l'horreur quotidienne, Fusée n'est autre que l'auteur lui-même, qui vient apporter une caution documentaire aux destins croisés des adolescents. Dans son adaptation, le cinéaste brésilien a transformé le futur écrivain en héros actif. Fusée est présenté comme l'élément commun des trois intrigues qui se juxtaposent. Son ascension sociale coïncide avec les déchéances irrémédiables de Petit Dé et Manu Tombeur. Elle apporte une lueur d'espoir salutaire dans le cauchemar sans fin que vivent les habitants de la favela. Prisonniers de la folie belliqueuse des dealers, ces derniers sont à jamais délaissés par un pouvoir politique corrompu ou absent. Au regard de la profusion des situations et des ambiances, Fernando Meirelles accomplit un tour de force. En dépit d'une construction temporelle alambiquée et superflue, le disciple de Walter Salles ne perd jamais ses héros en route. Il parvient toujours à revenir à l'essentiel: les destins contrastés de Petit Dé, Fusée et Bené, amis d'enfance éloignés par la dureté de la vie. Les transformations urbaines suffisent à exprimer les changements d'époque. Les couleurs chaudes des sixties disparaissent au profit des paillettes disco puis cèdent à la froideur des années 80. Le choix d'une mise en scène stylisée utilisant un vocabulaire formel moderne répond à la volonté d'aborder ce pan de l'histoire sous un angle mythologique. Le film n'est jamais plus séduisant que lorsqu'il abandonne tout point de vue moral pour ne s'attacher qu'aux personnages. Sous influence américaine (Martin Scorcese, référence évidente), il multiplie les scènes chocs, ce qui diminue paradoxalement l'émotion. Parfois insoutenables, les images se succèdent dans un chaos frénétique et l'on peut regretter la trop grande force symbolique de la dernière partie du film. Imparfait mais bouillonnant de belles idées de cinéma, La Cité de dieu est l'acte de naissance d'un cinéaste prometteur. La Cité de Dieu est donc une favela en banlieue de Rio de Janeiro, érigée dans les années 60 pour accueillir le trop plein des habitants des quartiers environnants. La survie y est chaque jour à réinventer. Le quotidien est un défilé d’abus policiers, de petits crimes, d’extorsions diverses, de meurtres, de trafic de drogue et de pauvreté. C’est cet univers qui constitue la toile de fond du roman de Paolo Lins. S’y côtoient des centaines de personnages rarement abordés en profondeur, comme s’ils étaient interchangeables dans ce monde où la violence est la seule à donner un sens à la vie. Comme si leurs actions seules leur donnent un relief et une identité. Dans ce cortège de personnages écorchés par l’existence, où chacun ambitionne de tirer profit de l’autre pour améliorer son propre sort, un jeune homme rêve de devenir photographe. C’est à travers son regard que nous découvrons ce monde dur où le rêve n’est plus permis, si ce n’est celui du prochain crime. L’auteur a enquêté sur le crime organisé dans les favelas de Rio pendant huit ans avant d’apporter la touche finale à son roman, publié en 1997. Porté à l’écran par le cinéaste brésilien Fernando Meirelles en 2002, La Cité de Dieu présente un véritable témoignage de la montée du crime organisé depuis les années 60, à l’intérieur des « cités interdites », au Brésil. Il aura fallu attendre 2003 pour la première traduction française.
LA CITÉ DE DIEU, Paolo Lins, traduit du portugais (Brésil) par Henri Raillard, Paris, Éditions Gallimard, collection « Du Monde Entier », 2003 (1997 pour l’édition originale), 413 pages.
La Cité de Dieu capte dès ses premières images par l'originalité de l'univers qu'il nous dépeint. Voir une bande d'enfants poursuivre hystériquement dans la rue une poule qu'ils veulent manger est assez réjouissant, mais lorsqu'ils sortent tous un flingue et commencent à lui tirer dessus au milieu de la foule, la déstabilisation est totale. Cinq premières minutes qui mettent tout de suite dans l'ambiance, d'autant que l'issue de cette scène est aussi impressionnante que le bond dans le temps opérée par l'histoire : techniquement, on pense forcément à Matrix mais réalisé avec un chariot et un montage réussi, et non uniquement des ordinateurs et écrans verts. Effet garanti. Chaque personnage se voit très rapidement présenté, leurs personnalités vraiment palpables les rendant identifiables au premier regard (aussi efficace qu'un Snatch de Guy Ritchie). Totalement imprévisible, l'histoire suit son déroulement avec des sauts dans le temps, des personnages qui apparaissent, d'autres qui "disparaissent" très vite, le tout soutenu par un montage presque épileptique jamais gratuit. Les images magnifiques s'enchaînent, La Cité de Dieu dégage une beauté fascinante sans jamais trahir la pauvreté et l'insalubrité des lieux : rarement ambiance et chaleur d'une ville et d'une population n'aura autant crevé l'écran. Difficile de raconter quoique ce soit sur le reste de l'histoire : on la vit à 200 à l'heure, au fur et à mesure des scènes chocs (une scène avec deux petits enfants en pleurs restera gravée dans les mémoires), suivant le jeune Fusée, seul personnage à peu près moral de l'histoire perdu dans cet océan de violence. Entre désespoir de voir un tel lieu de laissés pour compte où pour survivre au moins quelque jours on se doit d'être le pire des salops, et l'espoir que l'on place dans le jeune Fusée à l'avenir potentiellement radieux, il n'y a qu'un obstacle : voir crever le Petit Zé. C'est sans doute ce que l'on attend le plus du film, tant l'implication émotionnelle est grande.La Cité de Dieu prend aux tripes, les retourne, et laisse cette impression d'avoir assisté à quelque chose de grandiose. Pour la version moins "trippante" et un peu plus documentaliste de cette histoire choc (et vraie), il ne reste plus qu'à lire le livre. "

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