vendredi, octobre 14, 2005

 

Hell et lui .

"L’Enfer. Le mot en lui-même évoque invariablement des images théologiques, mystiques ou conceptuelles (flammes ou glaces, un repos d'oubli ou des tourments éternels, punitions, manichéisme..). Mais d'où viendrait ce concept en lui-même si porteur ? Ne nous trompons pas, là où il y a une organisation humaine révérant ses morts (ou tout du moins ritualisant le passage vie-mort) vous trouverez un enfer, sorte d'image corrélatrice de la société dont il accueille les défunts. Nous savons de par les paléontologues et archéologues que, sans nul doute, les hommes préhistoriques avaient déjà un sens aigu de la vie spirituelle (rites funéraires, inhumation des morts, trophées...). Là où il y a un au-delà, il y a la promesse d'une autre vie, bonne ou mauvaise... Ainsi d'une société à une autre, d'une culture à une autre ils sont tous différents (d'autant plus si l'on considère la place de l'individu dans la société) mais ont aussi beaucoup de points communs. Ainsi donc les enfers se sont construits peu à peu, en même temps que les sociétés ont évolué. Si les hommes préhistoriques sont les précurseurs d'un possible au-delà, les tribus chamaniques (de Nouvelle-Guinée au Tibet en passant par les amérindiens) en sont les dignes successeurs. L'esprit du défunt passe par le royaume des morts et y occupe la même place que durant son vivant. En sont exclus tous ceux qui, déjà de leurs vivants, ne respectaient pas les règles (morales ou physiques) que la société exigeait d'eux. Ainsi les infirmes, les inutiles, les réprouvés ne trouvaient pas le salut et erraient tel des âmes en peine sur le chemin du royaume des morts. C'est au cours de sa vie que l'on gagne le droit ou pas d'aller au royaume des morts. Cette idée continuera à s'élargir pour donner les notions de paradis (lieu béni) er d'enfer (royaume des maudits).Il faudra attendre la naissance de civilisations bien plus structurées et sédentaires pour trouver des notions telles que le Jugement, la Pesée et surtout l'Enfer... C'est en Orient et surtout au Moyen-Orient que l'on commence à parler d'enfer (Égypte, Mésopotamie, Babylone, Iran, Empire Perse...).Cette notion d'Enfer arrive par l'intermédiaire d'un jugement des dieux (la Pesée de l'âme par Anubis conté par Thot devant le tribunal d'Osiris par exemple). Ce jugement permet au défunt deux sortes de non-vie : - Celle des bénis, ayant commis aucune faute - Et ceux qui ont cédé à l'influence du Mal qui se retrouvent soit suppliciés pour l'éternité soit condamnés aux affres d'une vie d'errance ou de souffrances pour racheter leurs fautes. L'Antiquité Grecque inventera un lieu pittoresque et fort fréquenté par les héros : Hadès, monde clos gouverné par Hadès lui-même (Pluton chez les romains) et par sa femme Perséphone (Proserpine), gardé par Cerbère chien aux trois têtes. Il est bien entendu difficile, par les écrits de l'époque, de dresser une "carte" des enfers, mais on peut la scinder en 3 parties géographiques (l'enfer des méchants qui subissent froid, chaud et faim, le Tartare prison des géants et des dieux et les Champs Élysées lieu de séjour des justes) et 5 fleuves concentriques (L'Achéron (chagrin), Le Styx(Haine), le Phlégéthon (Flammes), le Cocyte (Lamentation) et le Léthé (Oubli)).Selon la tradition antique les âmes devaient traverser les 5 fleuves, accompagnées de Charon, jusqu'à arriver aux rives du Léthé dont la saveur apportait l'oubli de leur vie de mortel. Ces repères "géographiques" seront repris par Dante Alighieri et sa Divine Comédie. En Chine prè-bouddhique, deux messagers venaient chercher l'âme du défunt et plaidaient sa cause au dieu des murs et des fossés qui annonçait par la suite la "punition" ou sa réincarnation. En Polynésie souvent un dieu croquait purement et simplement les défunts et ils retournaient aux cycles de la vie. Les Aztèques avaient des enfers différenciés selon les circonstances de la mort et les actes du défunt. Tous ont en commun l'idée de cheminement, de voyage après la mort. Dans les "enfers" germaniques et scandinaves pré-chrétiens, le voyage jusqu'au royaume des morts se faisait en bateau. Le Walhalla se transformant aux fils des siècles en un palais/banquet où chaque homme de valeur festoyait avec Odin en personne jusqu'à la fin du monde, le Ragnarok (rapport de plus en plus ténu entre le vivant et le mort que l'on retrouvera en intégralité chez les religions monothéistes). Assez curieusement la notion d'enfer dans les écrits bibliques n'est que peu en rapport avec ce que l'on en "sait" maintenant. Bien qu'il soit connu sous de nombreux noms, il apparaît souvent sous le nom de Chéol (séjour des morts) totalement dépouillé de vie ou de présences malignes, on y retrouve aussi la notion d'Hades grecque et finalement de Géhenne (transposition grecque du mot hébreu Gê-Hinnoun). 9 cercles, eux même sub-divisés avec en leur centre, dis la cité infernale, qui elle même abrite le plus chouaillé des Anges déchus martyrisant et suppliciant Judas Ischariote, archétype du traître et damné par excellence. Pour le Coran deux anges menaçants interrogent le défunt sur sa profession de foi. On retrouve ici le concept de jugement funéraire sur la qualité de l'âme. Finalement, théologien ou non, croyants ou non, l'Enfer ne serait-il pas surtout ce que l'on fait vivre aux autres par nos propres décisions ("l'Enfer c'est les autres" disait JP Sartre). Si l'on pousse cette interrogation, l'Enfer ne serait-ce pas simplement la pollution, les guerres, les idéologies sanguinaires et fanatiques, la maladie, les inégalités tant mondiales que locales, les privations des libertés (totalitarismes, goulags, camps de concentration...), la ville (dans le sens où elle isole et mène à la solitude et à une non-intervention dans la solidarité), sans parler de nos enfers personnels et intérieurs : alcool, drogues, folies, phobies, troubles du comportements, pulsions, névroses..."

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