vendredi, octobre 07, 2005
Douze belles dans la peau.
Quand j’étais petit, il me faisait peur, maintenant je me dis que ça aurait été une putain d’interview. Un pote, ancien directeur de label, l’a rencontré il raconte un mec timide, fin, aux antipodes du monstre médiatique. Par son style, Gainsbourg se démarque de tous les chanteurs dont on parle : peu de points communs avec Georges Brassens, Jacques Brel ou Francis Lemarque. Un abîme le sépare de la Rive Gauche où l'on est poétique, engagé, où l'on pratique l'ironie en clin d'oeil. Avec Gainsbourg, les mots, pessimistes, se fondent dans la musique au lieu d'être plaqués sur les accords. L'ironie cède la place au sarcasme. Il refuse les effets classiques, les montées de ton, de forcer sa voix pour dramatiser, etc. Fin avril 1955, Vian enregistre ses "Chansons possibles et impossibles". Outrés par "Le Déserteur", d'anciens combattants manifestent à plusieurs reprises pour empêcher Vian de chanter. En novembre 1956, Boris enregistre avec Brigitte Bardot un essai demeuré inédit et sans suite ; "La Parisienne". De retour à Paris, il se fait désormais appeler Serge, parce que ça sonne russe. Quant au 'a' et au 'o' ajoutés à Ginsburg, c'est en souvenir des professeurs qui écorchaient son nom. La signature Serge Gainsbourg apparaît 1957. Yves Montand vient voir Serge chanter au Milord et l'invite chez lui mais ne lui prend aucune chanson. Marcel Aymé : "Serge Gainsbourg est un pianiste de vingt-cinq ans qui est devenu compositeur de chansons, parolier et chanteur. Il chante l'alcool, les filles, l'adultère, les voitures qui vont vite, la pauvreté, les métiers tristes" Boris Vian est dithyrambique dans Le Canard enchaîné de novembre 1958. Gainsbourg : "Je suis content que de tels trucs les dérangent, tout comme je jubile, les soirs où le public, m'écoute en me regardant de travers Pourquoi une chanson ne serait-elle pas effroyable ? Les surréalistes se sont bien permis de l'être en littérature... Et Goya qui ne l'était peut-être pas dans ses tableaux ? La vie moderne l'est, elle aussi, ce qui ne veut pas dire qu'il faille la prendre au sérieux. Je suis peintre. J'ai trente ans. Je m'en veux et j'en veux à certains d'avoir perdu tant de temps à faire autre chose. J'en veux à tous ceux qui travaillent du matin au soir à des tâches qui ne les intéressent pas du tout. Je tape sur ceux-là et sur tous les métiers absurdes qu'on a inventés. Boris Vian écrit des textes de présentation dits sur scène par des speakerines. Pour annoncer Serge il rédige ceci : "Prenez un garçon de trente ans doué pour la peinture, la musique, la chanson, enfin doué pour la vie quoi. Mettez-le dans une pièce avec un piano et un stylo : laissez-le tourner, chercher, laissez-le brûler, laissez-le faire son trou son petit trou qui deviendra grand dans le monde de la chanson, Serge Gainsbourg !". Boris Vian meurt le 23 juin 1959. En octobre, on fait la fête au théâtre Fontaine. Édith Piaf, qui y assiste, demande à lui être présentée. Elle lui donne rendez-vous chez elle pour lui demande des chansons mais décède peu après. Barbara : "un journaliste avait dit que nous étions très laids. Moi, je le trouvais très beau, nous étions assez proches dans nos angoisses, nos maigreurs, notre amour du noir. Je lui ai demandé de faire avec moi une tournée : avec une extrême délicatesse il a accepté. Son trac, sa grande timidité pouvaient le mener jusqu'à la nausée avant de monter sur scène. A Nice, Serge donne son dernier concert. Il faudra quatorze ans et l'insistance du groupe Bijou pour qu'il remonte sur scène... Jane est au coeur du scandale causé par le film"Blow Up" d'Antonioni pour la scène où elle se chamaille nue avec Gillian Hills. La guerre des Six Jours entre Israël et l'Egypte incite l'ambassade israélienne à commander une chanson à un grand auteur-compositeur français ; leur choix se porte sur Gainsbourg, qui explique : "On m'a demandé de signer des pétitions pour Israël, je l'ai fait, on m'a demandé une chanson, Je l'ai faite. Le bobino est parti avec le dernier avion pendant les hostilités et on l'a utilisé là-bas pour le moral des troupes. Mais je suis ashkénaze, je n'ai rien à voir avec les séfarades !". En vue d'un "Show Bardot" l'enregistrement par B.B. de "Harley Davidson" est le moment où débute la torride passion amoureuse qui, quelques semaines durant, va unir Brigitte et Serge - et les marquer à jamais. Ensuite, en novembre 1967 Serge chante "Comic strip" avec Brigitte dans le Sacha Show... Après l'enregistrement de "Harley Davidson", devenus amants, Serge et Brigitte sortent beaucoup, sans se cacher, chez Régine, au Raspoutine, au King Club... Surviennent les événement de Mai 68, que Serge observe de loin : "Au plus fort des événements, je me retrouve au Hilton avec une gamine et, entendant les bang-bang des mômes, je me dis qu'ils sont foutus puisqu'ils ne sont pas armés : il ne peut y avoir de révolution si les armes sont d'un seul côté. J'étais pour eux mais qu'est-ce que j'allais faire ; gueuler dans les amphis comme tous les autres connards ? J'ai attendu que ça se passe en suivant les événements sur le tube cathodique et avec l'air conditionné. Serge et Jane s'installent à l'hôtel, les travaux se poursuivant rue de Verneuil. Andrée Higgins (décoratrice) : "Nous nous étions rencontrés au lendemain de sa rupture d'avec B.B. Il avait des idées noires et il m'avait demandé de lui faire la maison tout en noir. Il voulait vivre dans un univers Bardot : il avait fait encadrer les photos sublimes, grandeur nature, et dans le couloir menant à sa chambre il avait projeté de disposer une série de photos plus petites, en noir et blanc, éclairées dans des angles inattendus. A l'arrivée de Jane il les changea pour des portraits de Marilyn. Il voulait même des abat-jour noirs et des voilages noirs aux fenêtres (il fallut faire même les waters en noir) Un jour il revient avec un lustre haut de deux mètres et me dit : "Il faudrait mettre ceci dans la salle de bains." Je lui explique qu'il ne pourra plus accéder à la baignoire et il me répond : " Aucune importance, de toute façon je ne me lave jamais " On lui a proposé de faire l'adaptation française de la comédie musicale "Hair", qu'il va voir dans la capitale anglaise mais la représentation ne l'enthousiasme guère. Il suggère un titre, "Poil"... Dans "Elle", on demande à Serge ses recettes de séduction. A la question : "Qu'est-ce qui fait qu'un couple est un couple ?" - il répond : "Les mêmes verticales et la même horizontale." Jane et Serge s'installent rue de Verneuil. Une journaliste publie le premier reportage sur ce qu'elle appelle "L'Antre de la bête"... "Slogan" fait l'objet d'une première, sur les Champs-Elysées. Jane y paraît vêtue d'une minirobe transparente à travers laquelle on devine sa poitrine nue et un tout petit slip. Serge et Jane forment désormais un couple hautement médiatique, symbole d'une certaine libération des moeurs. En Yougoslavie, Serge invite ses parents à le rejoindre. De retour à Paris, avec les 50.000 F payés par les producteurs, il s'offre, cash, une Rolls Royce de 1928. Il n'a ni permis ni chauffeur et la revendra dix ans plus tard, n'en gardant que le bouchon de radiateur, le Spirit of Ecstasy que l'on croise dans l'album "Histoire de Melody Nelson" dont Serge reprend l'écriture après quatre mois dans les Balkans. La pochette intérieure de Melody Nelson fait découvrir un Gainsbourg new look avec les cheveux plus longs et une barbe de deux jours. Sa compagne y est pour beaucoup... Jane : "Je lui ai acheté sa première paire de Repetto dans un panier de soldes et je l'ai supplié de laisser pousser ses cheveux. Idem pour sa barbe, j'aime bien les gens mal rasés parce qu'ils ont l'air d'avoir besoin de quelqu'un. Et puis je pensais que ça sculptait les os de son visage de jolie manière. Quand il était rasé je le trouvais trop lisse, il avait un air Oscar Wilde que j'aimais moins." A la rentrée, arrive en librairie "Le Guide Juif de France" dans lequel on peut lire à propos de celui qui, quelques mois plus tôt, a échangé la petite clef qu'il portait autour du cou pour une étoile de David achetée chez Cartier : "Tour à tour insidieux et insinuant, doucereux et provocateur, ce nonchalant au visage de traître triste s'est réservé une place à part dans le monde du show business. Serge est presque sage dans les jours qui suivent son infarctus, d'autant qu'on lui diagnostique un début de cirrhose. Dégaine sauvage, cheveux hirsutes, chemise et blouson informes et barbe de trois jours. Dans un magazine de charme, Serge met en scène une très jolie photo de Jane, Kate et Charlotte, nues toutes les trois, accompagnée de ce "Poème pour trois beautés" : Loisirs : Java. Sports : Nada. Passe-temps : Nana. Alcools : Tafia. Plats : Abats. Restaurant : Lucas (Carton). En avril 1974, comme Johnny Hallyday, Charles Aznavour, Gilbert Bécaud ou Mireille Mathieu, Serge appelle à voter Giscard d'Estaing aux élections présidentielles. Au magazine "Absolu", il explique peu de temps après : "Si j'ai soutenu Giscard, c'est pour des raisons avouables. Je n'ai aucune sympathie pour Mitterrand. Il s'est mouillé dans le passé dans des positions trop équivoques. Depuis longtemps, j'avais repéré Giscard d'Estaing comme une homme intègre et brillant. C'est tout. Je dois ajouter qu'il y avait pas mal de provocation volontaire dans mon choix, chose que je n'avais plus faite depuis longtemps". Plus tard, il justifiera son geste en le qualifiant de dadaïste, avant d'avouer tout simplement : "J'ai fait une connerie". On ne reverra son nom au bas d'une pétition qu'en 1990, contre le Front National. Dans "Lui", Serge met en scène Jane pour une série de photos pour lesquelles elle pose en bas noirs et escarpins à talons hauts, menottée aux montants du lit métallique. En janvier 1977, Serge et Jane sont invités au Festival d'Avoriaz au cours duquel est primé le "Carrie" de Brian de Palma. Publié en mai 1978, le disco "Sea sex and sun", fait un joli score dans les night-clubs et en radio. En novembre, le titre connaît une seconde carrière lorsque Patrice Leconte l'adopte pour le film "Les Bronzés". En juillet 1978, décès de la chienne Nana. Serge pleure toutes les larmes de son corps et s'endort sur le coussin favori de l'animal. Un jour, Serge tourne pour la télévision, à la SPA, dans le quartier des animaux condamnés à mort. Tout à coup il aperçoit un chat de gouttière, un pauvre matou tigré, miteux, avec une oreille cassée et ravagé par le coryza. Il l'adopte. Personne n'en voulait à cause de son oreille miteuse, c'est évidemment ce qui a séduit Serge. A la rupture, les filles l'emmenèrent et il vécut chez Jane jusqu'à la fin des années 80...Interviewé par "Best", il affirme se sentir en porte-à-faux vis à vis de la nouvelle génération, tout en étant ravi de ce qui se passe avec le groupe rock Bijou, qui vient de faire appel à lui pour un duo et un nouveau titre. Ses 20 ans de carrière le minent, tout comme les ventes pourtant excellentes de « Sea sex and sun », parce qu'il est convaincu que la chanson est merdique ! Pour la couleur musicale de son prochain album il n'a pas d'idée, sinon celle de demander au groupe Bijou de l'accompagner, tout en se disant que ses moyens vocaux sont trop limités pour lutter avec l'électrification des guitares et la batterie. En revanche, il a déjà la photo pour la pochette, signée Lord Snowdon, prise dans le désert de Nubie. A "Elle" : "Ça fait trente ans que je prends des barbituriques pour dormir. Sans cela, je rêve, je gamberge, je me raconte des histoires." Au "Monde de la Musique" : "Les tireurs d'élite n'auront jamais que du talent tandis que le génie visionnaire, ignorant les cibles immédiates et autres disques d'or et pointant son arc vers le ciel selon les lois d'une balistique implacable, ira percer au coeur les générations futures. On dit que Marlon Brando se mettait des boules Quiès pour ne point entendre ses partenaires et qu'ainsi isolé, tétanisé par son auto-admiration, son jeu gagnait en intensité dramatique. Peut-être devrais-je en faire autant. Mais comment savoir alors si je plais toujours aux mineures ?" Le matin du concert avec Bijou, qui voit Serge remonter sur scène pour la première fois depuis treize ans, Vincent Palmer, guitariste du groupe, va le chercher rue de Verneuil, en Renault 5. "Il était pétrifié par le trac et a vidé quelques verres pour se donner du courage. Quand il s'est accroché au micro, les mômes sont devenus fous, ils n'en pouvaient plus. Pendant une heure, après ça, dans les loges, Serge est resté comme hébété à répéter : "J'le crois pas, j'le crois pas"." Au lendemain du succès de "Sea, sex & sun", alors qu'il se prépare à publier l'album reggae "Aux armes et caetera", Serge déclare au quotidien "Libération" : "Cet été j'ai fait un truc disco, pour le blé. C'était cynique. Je préviens l'attaque parce que chaque fois que je parle de blé, on me traite de cynique. "Aux armes et cætera" triomphe dès sa sortie en 1979. Il a entre-temps entamé avec le groupe Bijou une série de concerts. Ensemble, ils mettent au point une version musclée de "Relax Baby Be Cool et de "La Marseillaise" pour laquelle les bijous (sic) remplacent les I-Three, choristes de Bob Marley qui l'accompagnent sur le disque enregistré à Kingston ! Puis Serge invite Bijou à la télé. Je pense que l'épisode a marqué pour lui un tournant. Une sorte de passage vers la nouvelle génération. Gainsbourg : "Ces concerts ont déclenché quelque chose d'extrêmement important : les gosses m'ont fait une ovation... Il ne fait aucun doute que c'est Bijou qui a provoqué mon envie de remonter sur scène." Jacky Jakubowicz (attaché de presse) : "C'était magique, il voulait faire une tournée avec le groupe, il était acclamé comme jamais. "French Rock Mania", c'était en juin 1979... Six mois plus tard, il faisait le Palace avec ses rastas." Par la suite, Gainsbourg fait encore appel à Bijou pour l'enregistrement des bandes originales de "Tapage nocturne" (de Catherine Breillat) et de "Je vous aime" (il insista auprès de Claude Berri, réalisateur et producteur, pour que Bijou incarne le groupe accompagnant Gérard Depardieu qui interprète un personnage de rocker). Michel Droit écrit dans le "Figaro Magazine" un texte nauséabond à propos de "La Marseillaise" reggae de Gainsbourg. Serge répond dans Le Matin Dimanche : « Puissent le cérumen et la cataracte de l'après-gaullisme être l'un extrait et la seconde opérée sur cet extrémiste de Droit, alors sera-t-il en mesure et lui permettrais-je de juger de ma "Marseillaise", héroïque de par ses pulsations rythmiques et la dynamique de ses harmonies, également révolutionnaires dans son sens initial et rouget de lislienne par son appel aux armes ». Lucien Ginzburg dit Serge Gainsbourg Concerts au Palace, c'est le royaume nocturne d'une jeunesse mondaine, branchée, à laquelle se mêlent les lecteurs de "Rock & Folk" et "Best". Serge souhaite que le public soit debout. Tous les soirs, radieux, Gainsbourg reçoit dans sa loge célébrités, nymphettes et parasites. Les parachutistes, excités par Michel Droit, ont réussi à faire annuler le spectacle prévu à Marseille. A Strasbourg, les choses s'annoncent mal ("La Marseillaise" est pourtant née dans cette ville). Un colonel avait demandé au maire d'intervenir pour que l'hymne national version reggae "ne soit pas chanté, faute de quoi nous nous verrions dans l'obligation d'intervenir." Un correspondant appelle la police pour annoncer qu'il va y avoir du grabuge. Pourtant, ni le préfet, ni le maire ne cèdent aux menaces. Le concert a lieu Hall de Wacke. Le matériel est monté sans problème. Avec le public est entré une soixantaine de paras qui ont acheté leur billet. Leur plan : occuper les premiers rangs et intervenir dès que Gainsbourg entamera l'hymne national. Ils distribuent des tracts tricolores sous les quolibets des jeunes. Les musiciens jamaïcains sont pris dans une galère qui ne les concerne pas. Ils n'ont qu'une envie, quitter la ville. Serge décide d'affronter la salle seulement flanqué de Phify, son garde du corps occasionnel. Phify : "Gainsbourg m'a dit : "Je vais chanter la vraie Marseillaise". Je l'ai accompagné sur scène, lui ai tenu le micro. J'ai trouvé ça très grand, émouvant. Les paras, en entendant l'hymne national, se sont levés, au garde-à-vous, comme des andouilles. Ils n'étaient d'ailleurs pas vraiment dangereux, ils avaient l'air plus cons qu'autre chose. Heureusement qu'il y avait les cars de C.R.S. pour les aider à sortir, mais ils n'ont pas pu éviter les crachats de la foule. Serge est revenu dans sa loge en larmes, il était enragé. Mais il avait prouvé qu'il en avait." Les téléspectateurs voient Serge, bouleversé, le poing levé, hurlant : "Je suis un insoumis qui a redonné à "La Marseillaise" son sens initial ! Je vous demanderai de la chanter avec moi !" Commentaire du colonel : "Gainsbourg est un homme très intelligent, qui s'est révélé un merveilleux tacticien." Sur les murs, partout en France, Gainsbourg, ou plutôt son double médiatique, Gainsbarre, s'affiche en costume, illustrant le slogan publicitaire : "Un Bayard ça vous change un homme - n'est-ce pas Monsieur Gainsbourg ?". Paraît ensuite son conte parabolique, "Evguénie Sokolov". Gallimard a patienté sept ans pour quatre-vingt-dix pages de sensations fortes. Sophistication de l'écriture, rigueur du style, richesse du vocabulaire, humour de pétomane dévastateur ; étrange objet littéraire. Répondant à "Art Press", Gainsbourg se défend : "Le seul rire qui pourrait s'échapper à la lecture de mon livre serait un rire nerveux, parce que mon propos est tragique à l'extrême. "Evguénie Sokolov" est une autobiographie prise au grand angle, c'est-à-dire avec distorsions, distorsions atroces qui peuvent rappeler la manière de Francis Bacon. Mon attitude par rapport à la littérature est parallèle à celle que j'avais du temps où je peignais, mes intentions sont pures. Ce bouquin m'a demandé six années de travail. J'ai pris des notes assez sérieuses, j'ai fait des recherches à la faculté de médecine, j'ai fait l'acquisition de quelques ouvrages scientifiques. Ce n'est pas n'importe quoi, tout est précis et fort structuré." Une nuit de mi-septembre 1980, Jane quitte Serge en emmenant Kate et Charlotte. Elle ne retrouve plus le Gainsbourg qu'elle aime derrière son double alcoolisé, Gainsbarre. Sur Europe, il confesse : "Cela fait des mois que je pleure des larmes brûlantes, de vraies larmes. Je n'ai jamais été aussi malheureux qu'aujourd'hui. Je suis un romantique, c'est pourquoi je suis blessé. Je suis désespéré. C'est très difficile. Moi, je suis un gamin, un gamin qui a beaucoup souffert, mais un gamin." En novembre 1981, sort son second album reggae, "Mauvaises nouvelles des étoiles." "Rock & Folk" évoque un album mystique, où Serge parle de Dieu et de sa mort, où il se crucifie. "Il y a quelqu'un en France qui écrit ses "Fleurs du mal" et qui ne s'appelle pas Baudelaire" déclare Patrice Blanc-Francard. Le Monde de la Musique renchérit : "Entre Bacon et Picabia dans sa période Monstres." Libération : "L'album le plus fumiste - et partant, le plus fameux, peut-être - de sa carrière. 100 % reggae. 100 % pathétique. 100 % émouvant. 100 % provocant. 100 % magistral. Du Gainsbourg, plus cynique et élégant que jamais, plus urgent et plus " par-dessous-la-jambe " aussi." Suite à une crise de délirium tremens, Serge est au 13 heures arborant un oeil au beurre noir et une arcade sourcilière explosée. En décembre, au journal de 20 heures, à propos de la question polonaise, Serge déclare, en cinq mots cinglants : "Les Soviétiques sont des enculés." Le 13 décembre, en guise de revanche sur Michel Droit, il achète un peu plus de 130.000 F un manuscrit de "La Marseillaise", autographe de Rouget de Lisle, aux enchères à Versailles. Il y tenait d'autant plus qu'à chaque refrain, on lit clairement « Aux armes et caetera ». Fin saoul, Gainsbourg participe début 1982 à "Droit de réponse", que Michel Polac consacre à la mort de Charlie Hebdo. Des incidents se produisent en coulisses puis l'émission tourne rapidement à la foire d'empoigne et à la bagarre. Des chaises volent, tout comme les gros mots et les injures. Le lendemain, Michel Polac présente ses excuses au Journal de 13 heures. Le torchon d'extrême-droite "Minute" se déchaîne et publie l'adresse de Gainsbourg. Le 9 janvier, une bombe fumigène est lancée rue de Verneuil. En 1982 toujours, le mensuel de charme "Playboy" publie des photos prises par Bettina Rheims montrant Gainsbourg travesti, en tailleur Chanel, jambes gainées de bas accrochés à un porte-jarretelles, formant couple avec l'énorme Phify. Serge collabore à l'album "Play blessures" d'Alain Bashung. Bashung : "Je le retrouvais vers 15 heures chez lui, il avait tout juste fini de ne pas se raser, et on attaquait à la vodka-Ricard. C'est vrai, pourquoi mettre de l'eau, la vokda a la même couleur... Il avait un autre truc génial, la tequila rapido : 1/3 tequila, 2/3 champagne. Tu mets une serviette sur le verre, tu tapes dessus pour que la mousse se barre et après, cul sec. Ca fait l'effet d'une bombe. On travaillait jusqu'à minuit, puis on allait faire la foire." Novembre 1982, "Play blessures" est expédié chez les disquaires sous une splendide pochette signée Jean-Baptiste Mondino. Il est invité par Philippe Manoeuvre à l'émission "Sex Machine", dans le cadre des "Enfants du rock" sur Antenne 2. La règle veut qu'à chaque émission soit proposée une nouvelle version du célèbre standard de James Brown. Pour accompagner Serge, on a engagé le groupe punk Gogol Ier et La Horde. Gogol : "Après l'enregistrement, on a interprété le morceau en play-back et en public devant les caméras de Jean-Louis Cap, c'était une manière pour nous de concrétiser un rêve, on jouait avec notre idole... Serge était déjà très allumé avant de monter sur scène, puis il y a eu des fans dans le premier rang qui l'ont énervé, en particulier une fille déchaînée qui lui tirait le bas du jean. Il en a eu marre, il a voulu lui mettre un coup de pied mais il a trébuché et il est tombé dans la salle en se fracturant un pied. Malgré cela, blindé par l'alcool, je suppose, il a continué sa prestation avec le pied fracturé, ce qui était vraiment un exploit, sauf qu'à la fin, entre le coma éthylique et le pied cassé, il a fallu l'emmener en ambulance." Serge confie : "Je suis fauchman, dans le rouge. C'est un scoop ! Le socialisme m'a fauché ! 60 briques ! Ponction lombaire, un racket ! Boooof, je m'en fous, je vis au jour le jour. Mais sur un autre pied." Pour les "Enfants du Rock", Gainsbourg réalise bientôt deux clips de Marianne Faithfull. A la même époque, il participe au premier numéro de "L'Impeccable" que Philippe Manoeuvre et Jean-Pierre Dionnet consacrent à la bande dessinée dans le cadre des "Enfants du Rock". Le 11 mars 1984, scandale sur TF1 : pour démontrer ce que lui ponctionne le fisc, Serge brûle en direct un billet de 500 F à l'émission "7 sur 7" devant quelques millions de téléspectateurs outragés. Pour Renaud, Gainsbourg réalise le clip de "Morgane de toi", au Touquet. Entre Gainsbourg et Thomas Dutronc, 11 ans, fils de Françoise Hardy et Jacques Dutronc, une complicité s'installe. En avril 1984, à Manhattan, où il loge pour enregistrer "Love on the beat", Serge se sent bientôt comme un poisson dans l'eau. Après les longues séances chez Billy Rush, il découvre les restaurants de Chinatown, la soul-food des Afro-américains près de Harlem, et les sandwiches triple-decker au pastrami, à la langue et au corned-beef dans les delis [traiteurs] du quartier juif. Le photographe William Klein est chargé de la pochette de "Love On The Beat".William Klein : "Vers 3 heures du matin, Serge m'appelle pour m'annoncer que pour la pochette il veut être une gonzesse. Je lui réponds : "Formidable, on va faire une vieille poule affreuse." Et il m'explique que je n'y suis pas, qu'il veut être "très belle", qu'il va s'arrêter de boire pendant quinze jours pour faire disparaître les poches sous les yeux, qu'il va se coller les oreilles... " "Il était piégé : y avait de la part du public une attente détestable de l'écart qu'il allait forcément faire, du dérapage qui allait se produire, au lieu d'être attentif à ce qu'il disait, à ce qu'il écrivait. Il était en état de dérision et de provocation permanentes, en particulier quand il avait en face de lui des animateurs de télévision." Serge au mensuel gay GPH : "L'homosexualité est un a priori ; c'est rejeter l'autre sexe. Mais comment peut-on expliquer que j'ai eu tout le long de ma vie, de mon trajet, de mon parcours de combattant, des vertiges homosexuels et que je sois toujours en train de baiser des gonzesses ?" Au mensuel rock "Best" : "Ce sont les rupins qui me haïssent. Pour eux je suis un anar, drogué, dégueu. C'est pas vrai, je fume et je bois, mais les seules lignes que je prends sont les lignes aériennes. Je me rase soigneusement tous les trois jours et je me nettoie tous les orifices. Je veux bien qu'on m'oublie le lendemain de ma mort, j'en ai rien à cirer. Se survivre c'est une notion dépassée, romantique, c'est fini tout ça. Je suis resté très adolescent en face des medias, je ne suis pas blasé, j'adore ça, j'aime cet impact, parce que je suis un tireur d'élite : j'envoie ma bastos et j'aime bien voir quand elle touche sa cible. Je suis prêt à tout, je suis une putain de luxe, une pute qui prend son pied." La veille du "Jeu de la vérité", début juin 1985, sur TF1, Serge se confie au Matin : "Qu'est-ce qui me reste ? Rien du tout. J'ai perdu toutes mes gonzesses, et ma maman. Perdre sa mère, c'est perdre sa jeunesse." Même si "Love on the beat" lui vaut un disque de platine, il a peur des questions du public, se méfie du contrecoup de l'affaire du billet brûlé. Il arrête de boire une semaine avant l'émission. Patrick Sabatier : "Il savait très bien qu'il allait se retrouver seul face à dix millions de gens, il n'avait rien d'un type halluciné faisant n'importe quoi, il savait très bien où il allait.". Coup de théâtre, démagogie élégante, il signe un chèque de 100.000F à Médecins Sans Frontières. Pour une majorité de téléspectateurs hostiles, il redevient généreux, respectable. Début juillet 1985, les murs de Paris se couvrent d'affiches 4 x 3 avec la photo de "Love on the beat" sur fond de drapeau tricolore et ce slogan : "Fête nationale du 14 juillet : Monsieur Gainsbourg respecte les traditions". Parallèlement, dans la presse, des encarts lancent la location pour ses concerts à partir du 19 septembre au Casino de Paris en précisant : "140 F devant, 110 F derrière"..."Lui" propose un reportage intitulé "Le sado-masochisme de Serge Gainsbourg", montrant Serge torse nu et Bambou nue. On y apprend qu'il paie 1.900.000 F d'impôts. Le 19 septembre, Yves Mourousi reçoit Gainsbourg au 13 heures. Jack Lang lui a offert le matin même la croix d'Officier dans l'ordre des Arts et des Lettres. Serge en est extrêmement fier : il aime les traces tangibles du succès. Au Casino de Paris, le rideau de scène s'ouvre comme la fermeture à glissière d'un blue-jean. Un cascadeur déguisé en Gainsbarre tombe du haut du grand escalier ; ricanant, le vrai Gainsbourg rentre alors d'un côté de la scène, sous une ovation. Après le Casino, Serge entreprend un périple baptisé "C'est ma tournée !" qui écume la province. Son chef d'orchestre s'en souvient : "Avec lui c'était toujours "firstclass " sinon rien : il nous invitait dans les meilleurs restaurants, il nous couvrait de cadeaux." "Il ne buvait pas une goutte, ayant bien compris que pour faire deux heures de spectacle, il ne pouvait pas se permettre, et grâce à cet état d'esprit nous avons fait une tournée magnifique." Michel Drucker : "Gainsbourg a touché, au cours des dernières années, la France profonde, celle de Coluche, parce qu'il avait ce côté clownesque qui plaît aux blaireaux. Mais il n'a jamais cessé de séduire les gens plus exigeants, l'élite intellectuelle." "Putain de musique ! pour un Putain de film !" aboie la campagne de pub au moment où "Tenue de soirée", le nouveau film de Bertrand Blier, dont Serge a fait la musique, triomphe en salle, fin avril 1986. Gainsbourg est l'invité d'honneur de "Champs-Élysées", l'émission de Michel Drucker. Tout se déroule normalement jusqu'à l'arrivée de la chanteuse américaine Whitney Houston à qui Serge déclare, en direct, devant des millions de téléspectateurs, qu'il a envie de la baiser...Serge est contacté par Nicola Sirkis, du groupe Indochine, pour tourner le clip de "Tes yeux noirs". Nicola Sirkis : "Je voulais retrouver l'ambiance du film "Je t'aime moi non plus", mais ça ne s'est pas du tout passé comme ça." Sirkis espère un clip plutôt sexe et underground. Il est surpris que Serge installe le groupe dans une gare, avec des collégiens pour figurants. Nicola : "Helena Noguerra devait symboliser les " yeux noirs " de la chanson. Gainsbourg lui demandait de bouger ses fesses, elle a craqué en coulisse. Je ne sais pas pourquoi il y a une fille qui tombe à la fin du clip, je n'ai jamais très bien compris." En juin 1986, pour la Seita, Serge est l'invité d'honneur de la conférence de presse pour le lancement des nouvelles cigarettes Gitanes (blondes). Dans un état approximatif, il ânonne quelques aphorismes de Lichtenberg. Aux obsèques du journaliste et nightclubber Alain Pacadis, le 15 décembre 1986, au Père Lachaise, isolé et livide dans sa Rolls, Serge est venu avec une poignée d'orchidées noires. A "Apostrophes", fin décembre, sur Antenne 2, c'est le fameux débat où l'on voit Gainsbourg affirmer que la chanson n'est qu'un Art mineur, ce qui offusque Guy Béart. Des insultes sont échangées. Aucun des deux n'en sort grandi. Au Printemps de Bourges, Gainsbourg filme son ex-compagne pour FR3. Suivi d'un cadreur caméra à l'épaule, il joue au journaliste. On voit le film quelques temps après, documentaire de 52 minutes : Gainsbourg dans la loge de Jerry Lee Lewis, interviewant Ray Charles, accueillant François Mitterrand... Dominique Blanc-Francard : "Nous avons mixé "You're Under Arrest" dans un studio de Pigalle. Comme le mixage ne l'intéressait pas, il partait faire la tournée des bars à putes pour boire des coups. A chaque fois il revenait avec deux prostituées et deux CRS. Il voulait leur faire écouter les nouvelles chansons à fond, "double titan" ! Il négociait ensuite les écussons des flics, il avait une cote terrible avec eux, il passait son temps à déconner et quand on ne voulait pas le suivre dans ses délires, parce qu'on avait du boulot, il se plaignait comme un gamin." Lors des interviews qui accompagnent "You're under arrest", Serge déprime, semble toucher le fond ; il n'en peut plus, physiquement et psychologiquement. Gainsbourg : "L'idée du bonheur m'est étrangère, je ne le conçois pas donc je ne le cherche pas. Mon plan est un plan de mec, une recherche de la vérité par injection de perversité. Je ne cherche qu'une seule chose, la pureté de mon enfance." Le 12 décembre, une émission spéciale lui est consacrée par "Les Enfants du Rock" sur France 2. Il y est interviewé par Etienne Daho et interprète cinq chansons de son album. Sur scène, devant dix mille spectateurs - le public est globalement beaucoup plus jeune que celui du Casino de Paris, Serge est en extase, il est tout sauf blasé. Dans les loges, les stars viennent le saluer, Catherine Deneuve, Johnny Hallyday, Robert Charlebois, Renaud, Jean-Paul Belmondo, etc. Dans une interview publiée dans "Vogue", Bambou décrit la garde-robe de Serge : "Aux pieds, il portait des Repetto blanches ou noires avec son smoking. Pas de chaussettes avec les blanches, des chaussettes noires avec les noires. Pas de caleçon, pas de slip, il n'aimait pas les pansements. Une montre Rolex ou la plus petite montre Cartier. Aux doigts, l'alliance de Jane, l'alliance de Bardot, et cinq alliances que je lui avais offertes, en platine. Un bracelet saphir et diams. Autour du cou, un petit coeur en saphir. Une vingtaine de jeans, quelques-uns gris de chez Hémisphères. Les jeans coupés en bas aux ciseaux, pas d'ourlet. Des chemises kaki, une chemise Lee Cooper, des chemises blanches, tee-shirt en vacances. [...] Le savon, c'était Guerlain. Le parfum Van Cleef & Arpels. Un pull marin donné par un mousse sur Le Duplex, une veste en cachemire bleu marine avec des boutons d'argent faite par un tailleur que lui avait présenté Lagerfeld. Une veste punk venant des Puces de Portobello, son smoking Saint-Laurent, un Perfecto en jean que je lui avais offert et un autre en peau de serpent. Des boutons de manchettes saphir et platine." En tournée, dans l'autobus, les hôtels, les loges, Serge et Billy se livrent à leur jeu favori, les échecs. Chaque fois que Serge gagne, il est fou de joie. Durant les derniers jours de mai 1988, Gainsbourg donne des concerts au Japon, deux à Tokyo, un à Osaka. Vue qui baisse, cirrhose, incidents cardiaques, douleurs, problèmes d'impuissance, Serge, voûté, marche avec une canne. L'alcool le fait grossir, on ne compte plus ses crises de delirium. Bambou le convainc de partir quelques jours au Portugal, au mois d'août 1988. A la rentrée, la descente aux enfers se poursuit. A part à "Mon zénith à moi" que présente Michel Denisot sur Canal+, les apparitions de Serge à la télévision sont désastreuses. Quand il vient présenter le clip de "Mon légionnaire" à "Nulle part ailleurs", nombreux sont les fans qui trouvent sa marionnette des Guignols plus drôle que l'original. Le clip, signé Luc Besson, met en scène Gainsbourg coiffé d'un chapeau et flanqué d'un gamin photogénique et des danseurs agités. Pour le distraire de son spleen, Serge compte sur ses amis Jacques Wolfsohn ou Jacques Dutronc, et même sur Thomas, fils de ce dernier, bientôt 16 ans. Thomas Dutronc : "Un jour qu'il venait de s'acheter des nouvelles enceintes, nous avions écouté "Love Me Tender", par Elvis Presley, à fond les manettes. Il me disait qu'il avait toujours rêvé d'écrire une chanson aussi simple et aussi belle. Puis on avait écouté "In The Ghetto" et il avait pleuré." En résumé, depuis 1979, ce n'est qu'une chute dans l'enfer éthylique. Il lui arrive de tomber dans le coma. Les sympathiques éléphants roses sont remplacés par visions d'horreur. Parfois, il entre à l'hôpital, de son plein gré, puis il entame une psychanalyse. En janvier 1989, il est hospitalisé cinq fois d'affilée. Les médecins lui annoncent que s'il continue, la cécité l'attend. En avril, ils décident de l'opérer. Juste avant, Serge enregistre avec son Guignol des sketches qui seront diffusés durant son hospitalisation. Pour annoncer l'album enregistré au Zénith, il s'invite encore au journal de 13 heures d'Antenne 2 puis, avril 1989, sur la même chaîne, dans "Lunettes noires pour nuits blanches" de Thierry Ardisson. Il se livre à une auto-interview : "On est cernés par les cons. D'ailleurs toi le premier, Gainsbarre, et je t'emmerde !" L'opération a lieu le 11 avril 1989, pendant plus de 6 heures. Nouveau sursis. Dès sa sortie de l'hôpital, il est invité à "Nulle part ailleurs" : bouleversant, souriant, ricanant, l'élocution parfaite, l'esprit vif, l'oeil pétillant, Serge raconte son séjour à l'hôpital Beaujon de Clichy, dans le service de chirurgie digestive du professeur Fékété, où l'on a pratiqué l'ablation de deux tiers de son foie visant à éliminer une tumeur. Gainsbourg : "Quand je me suis réveillé après l'opération j'avais des tubes partout. En voyant tous ces fils, émergeant de l'anesthésie, j'ai eu un réflexe insensé : j'ai demandé : "On est sur scène ? Soundcheck ! C'est bon ? Où sont mes musicos ?" Je me croyais au Zénith !" En septembre 1989, sort l'intégrale Gainsbourg. La publicité, provoc, affirme : "Gainsbourg n'attend pas d'être mort pour être immortel !" Un nouveau malaise cardiaque l'oblige à passer 48 heures en observation à l'Hôpital Américain. En vérité, depuis le tournage de son quatrième et dernier film, "Stan The Flasher, Serge s'est remis à boire, contre l'avis-ultimatum des docteurs. A Jean-Luc Leray de France-Culture : "La gloire a détruit mon âme, mon conscient et mon subconscient. C'est une dualité terrible de se concentrer sur soi-même et sur son non-être, c'est-à-dire le mec et le showman... Enfin je pense que j'aurai assez de conscience pour ne pas me faire bouffer par moi-même. C'est un métier extrêmement cruel parce qu'il faut livrer son âme, les faux culs ne tiennent pas la route... Et la sincérité coûte très, très cher." "Ici cogite une âme slave" dit l'un des graffitis qui, par centaines, ornent désormais la façade rue de Verneuil. Serge écrit ensuite "White And Black Blues" pour Joëlle Ursull qui, au printemps 1990, participe au Grand Concours Eurovision de la Chanson. Le 1er mars 1990, pour son anniversaire, Serge invite Bambou au restaurant, comme il fera encore un an plus tard, la veille de sa mort. Chez Maxim's, il lui offre une montre Cartier qu'il a achetée le jour même, en même temps qu'un autre bijou destiné à Vanessa Paradis. Parfois, Serge raccompagne Charlotte chez Jane, question d'avoir un prétexte pour passer cinq minutes avec elle. En fait, il reste deux ou trois heures, ils se mettent à se raconter leurs souvenirs. Vanessa Paradis est ravie : Serge lui écrit tout un album ! Gainsbourg et sa nouvelle Lolita se parlent ensuite beaucoup au téléphone. "Je n'oublierai jamais les mois passés avec Serge. Je regrette de ne pas lui avoir dit à quel point je l'admirais, à quel point il était unique. Je regrette de ne pas l'avoir serré plus souvent dans mes bras." Le neveu de Serge : "Lui qui vivait dans le noir, il se retire seul, à la campagne, au vert, alors qu'il déteste ça, et en plus dans un endroit un peu mythique, imprégné de catholicisme. Il y est retourné tout décembre, ne recevant que quelques visites, de Charlotte, Bambou, Lulu et Thomas Dutronc." Au même moment, Gainsbourg fait son entrée dans l'édition 1991 du Petit Larousse. On y lit ceci : GAINSBOURG (Lucien Ginsburg, dit Serge), auteur-compositeur et chanteur français (Paris 1928). Derrière le personnage désinvolte et désenchanté se cache une vive sensibilité. A ses proches, Serge fait remarquer : "Pas mal, mais il manque une date." Fin octobre 1990, il présente Stan The Flasher, en ouverture d'un Festival du cinéma près de Montréal. Il répond aux questions du public à qui il raconte comment, ravi par le travail de son chef-opérateur, il lui a offert une Mercedes. Thomas Dutronc : "Un jour de décembre 1990, il m'appelle de Vézelay et me dit de sauter dans un taxi pour le rejoindre, c'était quand même à 200 bornes... Je me souviens qu'on a mangé du fromage avec des noisettes et du raisin, avec un vin délicieux, puis il m'a fait écouter le remix du "Requiem pour un con" que j'ai trouvé génial parce que j'écoutais beaucoup de rap à l'époque. J'ai fait quelques photos, notamment de sa carte de la Société Nationale des Anciens et des Amis de la Gendarmerie, dont il était membre depuis 1982, de ses lunettes, où son nom était gravé en tout petits caractères, et enfin de sa canne, cette canne qu'il n'avait pas avant... Ensuite j'ai dormi là. Tout cela était un peu tristounet." Le 31 décembre 1990, Gainsbourg offre un feu d'artifice aux habitants de Saint-Père-sous-Vézelay. Mi-janvier 1991, Serge s'envole pour la Barbade, aux Antilles, avec Charlotte. Un matin, Serge tombe, évanoui. Un médecin, remarquant un kyste à la nuque, dit à Charlotte : "Votre père est très malade". Bambou : "A la fin Serge s'est mis bien avec tout le monde, avec ses deux premiers enfants Paul et Natacha, avec Jane et Doillon, il agissait comme quelqu'un qui voulait s'en aller en paix. Mais il nous écartait, Lulu et moi, car il ne voulait pas qu'on le voit souffrir, il fallait vraiment insister, il refusait que je vienne avec Lulu, il se sentait trop mal. Alors je passais à l'improviste, genre : "Je suis dans le coin, je fais des courses avec le petit". J'étais obligée de m'imposer." Une semaine avant sa mort, Serge appelle Thomas Dutronc pour l'inviter à dîner. Thomas : "Je regrette de ne pas avoir pu parler de chansons et de musique avec lui, je n'avais que dix-sept ans à l'époque, mes goûts musicaux étaient assez limités. Les souvenirs que j'ai de lui depuis sa mort sont pleins de tendresse. Je me rappelle que je l'embrassais pour lui dire bonjour et j'adorais sa peau, il avait une peau douce, une peau tendre, qui donnait envie de le prendre dans ses bras, et puis j'adorais son parfum, il sentait très bon. Il était vraiment gentil, d'une tendresse incroyable, je regrette de l'avoir connu trop jeune." Février 1991, "White And Black Blues" de Joëlle Ursull est disque de platine (plus de 500.000 exemplaires vendus). Serge est heureux comme un môme, comme si c'était la première fois. La veille de sa mort, Serge se fait livrer un diamant en forme de coeur, de chez Cartier, qu'il veut offrir à Jane. Le 1er mars, c'est l'anniversaire de Bambou ; celle-ci décide d'inviter Charlotte. Elles le ramènent rue de Verneuil. Bambou : "Le samedi 2 mars, j'ai attendu son coup de téléphone tout l'après midi mais, à 22 heures, j'ai craqué et j'y suis allée. Je n'avais pas les clefs, j'ai tout fait défoncer par les pompiers. Ils sont restés dans la chambre au moins une demi-heure. Quand j'ai vu qu'ils n'appelaient pas le Samu, j'ai compris. Ils m'ont permis de rester seule avec lui cinq minutes. Quand le toubib est arrivé il a constaté le décès, crise cardiaque." Serge est mort nu, il s'était assis au bord du lit et est parti en arrière, vers 15h30. Comme Boris Vian, il avait oublié de prendre sa pilule pour le coeur. Il n'a pas souffert. Vers une heure du matin, la nouvelle de sa mort est annoncée. Les admirateurs effondrés commencent à se rassembler en pleine nuit dans la petite rue de Verneuil, qui est bientôt noire de monde. Le 13 mai 1991, quand Jane, sur la scène du Casino de Paris, chante "Je suis venu te dire que je m'en vais", conclusion d'un concert sublime, l'émotion est insoutenable. François Mitterrand dira de lui : "Gainsbourg est un rebelle. Sa poésie est une arme. Il la lance avec la hargne du désespoir contre toutes les formes du mensonge et de l'hypocrisie. Son oeuvre appartient aux plus hautes lignées de la chanson française." Aux Etats-Unis, certains morceaux de Gainsbourg, y compris des extraits de bandes originales obscures, constituent pour les afficionados du style easy-listening des pièces convoitées. Beck, Rufus Wainwright, Sonic Youth, Hole ou les Dandy Warhols, citent Gainsbourg parmi leurs artistes favoris, ainsi que Pulp, David Holmes, Momus ou Saint Etienne en Grande-Bretagne. Johnny Depp, initié par Vanessa Paradis, devient dans la presse américaine son fidèle ambassadeur. Au Japon, où est publiée la traduction de la biographie écrite par Gilles Verlant, on sort un album hommage par des stars locales, avec des évidences telles "Poupée de cire, poupée de son" ou "Je t’aime moi non plus », mais aussi de titres inattendus comme "La Noyée". Spin et Rolling Stone qualifient Gainsbourg de "Jean Genet de l'heure des cocktails". Pulse, journal gratuit de la chaîne Tower Records, lui consacre une double page sous le titre "A Lush Memory". Fin 1999, l'hebdomadaire américain "Newsweek", consacrant sa couverture aux Stars du siècle, célèbre Gainsbourg aux côtés des Beatles, Dylan et Presley. En décembre 2000, le magazine rock britannique "Mojo" consacre plusieurs pages au phénomène Gainsbourg, annonçant la parution d'un livre, la deuxième biographie de Gainsbourg en anglais, signé Sylvie Simmons.
« Les seuls types en smok' que j'admets sont ceux à qui je peux faire signe pour avoir une autre bouteille de champagne."
- Le snobisme, c'est une bulle de champagne qui hésite entre le rot et le pet. [...]
- On vous dit sceptique ?
- L'homme a créé les dieux, l'inverse reste à prouver. »
« Les seuls types en smok' que j'admets sont ceux à qui je peux faire signe pour avoir une autre bouteille de champagne."
- Le snobisme, c'est une bulle de champagne qui hésite entre le rot et le pet. [...]
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- L'homme a créé les dieux, l'inverse reste à prouver. »
Comments:
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Comprendront qui pourront....
Serge, c'était quand même la grande classe !!!! Pas le genre de gars qui aurait amené sa petite Jane à la cafét du coin pour son anniversaire!!!!
;-)
D'ailleurs, même mon François il a fait l'effort de m'amener à la salle de sport et j'ai passé un super bon anniversaire avec les autres culturistes, qui, pour l'occasion, s'étaient tous habillés en rose et vert pomme (mes couleurs préférées) !!! C'était super ! J'ai eu un beau gâteau, et tout et tout... Et Gwen est venue sans Samir (d'ailleurs heureusement, il était vraiment trop méchant !)Et puis elle a trouvé un gentil culturiste comme mon françois !Mais ... je crois que je m'égare !
Bref, pas intérêt à regarder le foot demain soir, sinon.... je sévirais :-!
Laurence (de François et Laurence)
Ps: et pour Godfrapp, je ne relèverais pas !
Ps2 : vive Natacha Amal !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Natacha Amal!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!et que viva Natacha Amal !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Serge, c'était quand même la grande classe !!!! Pas le genre de gars qui aurait amené sa petite Jane à la cafét du coin pour son anniversaire!!!!
;-)
D'ailleurs, même mon François il a fait l'effort de m'amener à la salle de sport et j'ai passé un super bon anniversaire avec les autres culturistes, qui, pour l'occasion, s'étaient tous habillés en rose et vert pomme (mes couleurs préférées) !!! C'était super ! J'ai eu un beau gâteau, et tout et tout... Et Gwen est venue sans Samir (d'ailleurs heureusement, il était vraiment trop méchant !)Et puis elle a trouvé un gentil culturiste comme mon françois !Mais ... je crois que je m'égare !
Bref, pas intérêt à regarder le foot demain soir, sinon.... je sévirais :-!
Laurence (de François et Laurence)
Ps: et pour Godfrapp, je ne relèverais pas !
Ps2 : vive Natacha Amal !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!Natacha Amal!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!et que viva Natacha Amal !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
En même temps il brûlait des billets de 500 Francs....
Pour la cafeteria : "Qu'importe le flacon pourvu que l'on ait l'ivresse.
Godfrapp connait pas...Par contre je déteste Goldfrapp.
Et toi tu aimes Charlelie Couture ?
"Comme un avion sans ailes"
Prends soin de toi.
Bises au SRAS de ma part.
N'embrasse pas trop de poulets quand même...
Dominic Monaghan (always lost).
Pour la cafeteria : "Qu'importe le flacon pourvu que l'on ait l'ivresse.
Godfrapp connait pas...Par contre je déteste Goldfrapp.
Et toi tu aimes Charlelie Couture ?
"Comme un avion sans ailes"
Prends soin de toi.
Bises au SRAS de ma part.
N'embrasse pas trop de poulets quand même...
Dominic Monaghan (always lost).
Excuse moi, ô grand damoonindamoon, de faire des fautes de frappe et de ne pas relire ce que je viens d'écrire... C'est vrai que ça ne t'arrive jamais, ô grand dammonindamoon !
Quant à l'ivresse, je ne me permettrais pas de juger, ce n'est pas à moi de la définir dans le cas présent...
Sinon, je me ferais un plaisir de passer le bonjour au SRAS, aux terroristes, aux tremblements de terre, à la dengue, et aux avions sans ailes ! Et qui sait, je croiserais peut-être la magnifique Natacha à Bali (youpi tsunami!).
Et je n'oublierais pas non plus de te ramener qqs poulets dans mes bagages !!!!
Bizzzz mon ch'ti damoonindamoon...
Laurence de François et Laurence
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Quant à l'ivresse, je ne me permettrais pas de juger, ce n'est pas à moi de la définir dans le cas présent...
Sinon, je me ferais un plaisir de passer le bonjour au SRAS, aux terroristes, aux tremblements de terre, à la dengue, et aux avions sans ailes ! Et qui sait, je croiserais peut-être la magnifique Natacha à Bali (youpi tsunami!).
Et je n'oublierais pas non plus de te ramener qqs poulets dans mes bagages !!!!
Bizzzz mon ch'ti damoonindamoon...
Laurence de François et Laurence
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