lundi, septembre 12, 2005

 

Krumpin' : Battle zone.

La première fois que j’ai entendu parler de David Lachapelle c’était dans "The face" à propos d’une session photo où il shootait Giselle Bunchen (madame Di Caprio), les photos étaient scotchantes, dégoulinantes de kitch, saturées de couleurs purement jouissives, j’accrochais de suite, comme j’avais adhéré à Anton Corbjin ou Youri Lenquette en d’autres temps. Certains diront qu’il n’y a pas plus futile que la photographie elle est donc en cela furieusement indispensable….Ce photographe stylé barré et prisé par le tout Hollywood sort « Rize », un film sur une danse urbaine : « Le krumping ». Tout commence lorsque Thomas, dealer de crack, sort de prison. En guise de réinsertion, on lui propose d’animer un goûter d’anniversaire. Il se maquille en Clown, se rend à la fête avec son poste de radio et fait danser les petits sur les tubes du moment. "Tommy The Clown" est né et, c’est certain, il construira son avenir auprès des enfants. Nous sommes en 1992. Des émeutes secouent los Angeles après l’acquittement des policiers qui ont tabassé Rodney King devant l’objectif d’un vidéaste amateur. Certains, dont David LaChapelle, établissent un lien de cause à effet entre cette explosion de violence et la naissance d’une nouvelle danse, le krumping. Même hors de ce contexte, Tommy aurait malgré tout "dansé" sa liberté. Rize, le documentaire de LaChapelle, s’ouvre cependant sur le caractère social de ce phénomène artistique. Il commence à s’intéresser aux acteurs du krumping. Joignant le geste à la parole, le réalisateur file vers South Central (ghetto de Los Angeles). Il y découvre des enfants maquillés dans les rues. Des maquillages de clowns, d’autres tribaux. Il découvre la "Hip Hop Clown Academy" de Tommy, coincée entre deux boutiques abandonnées. Le "B.boying" [ou "breakdancing" danse Hip Hop au sol, lui aussi est né ici]. Il était non seulement le seul blanc, mais en plus le seul avec une caméra. Comme 95 % de la population des ghettos afro-américains, Tommy The Clown est fan des hits Hip Hop mais il ne connaît rien à la danse. L’étendue de la cité des Anges interdit tout rapprochement. D’un bloc à l’autre, on s’ignore. Tommy, lui, a le don d’embraser les foules et fait preuve d’une incroyable endurance. Ce sont les points forts de son style : le "clowning". Très vite, il crée des émules dans le quartier. La caméra de LaChapelle le suit, déambulant dans les rues sans jamais quitter son déguisement. Les couleurs de "Rize" sont saturées aux reflets bonbons, loin des images d’arrestations nocturnes véhiculées sur ce quartier. Les enfants forment des grappes joyeuses autour de lui, encouragés par leurs mères. Celles-ci voient en Tommy une alternative à la guerre des gangs qui dévaste Los Angeles, laissant derrière elle des milliers de morts. Le Clown prend en charge de plus en plus de jeunes. Mais, il n’y a pas de place pour tout le monde. C’est par le défi dans le cercle de danse qu’ils s’éliminent. Le clowning prend soudain une forme agressive. Les gamins découvrent la compétition. Quant à l’expression "let’s get krump", elle sort de nulle part. "Explosons nos corps, tente d’expliquer Dragon, un autre krumper du film, donnons le meilleur de nous-mêmes, lâchons la puissance du guerrier" C’est la vraie naissance du "krumping". Un groupe de jeunes dissidents troque ses costumes colorés pour des vêtements aux couleurs de l’armée. Ils affinent leur maquillage et deviennent porteurs d’un message : "Le krumping est notre art, il coule dans notre sang ! " La dimension religieuse apparaît. Cette nouvelle forme de « clowning » s’affirme par des gestes plus secs et frénétiques. Mais reste pacifique : le défi en danse plutôt que le règlement de compte. On organise des " battles" nocturnes et brûlantes où les danseurs tombent régulièrement en syncope. LaChapelle sublime cet instant dans un "playground" désaffecté puis sur la plage de Venice, au soleil couchant. Pour ces jeunes, les maquillages tribaux sont presque aussi importants que les mouvements. De longs plans séquences sur cette préparation opposent ainsi le krumping au "Hip Hop Bling-Bling" : celui des rappeurs aux chaînes en or, prônant l’illégalité et la femme objet. "Le krumping est très spirituel, souligne Miss Prissy, krumpeuse à l’abattage hallucinant, trop peut-être pour qu’Hollywood nous ai acceptés plus tôt". Les mouvements de bassin et de torse sont très rapides. LaChapelle ose le parallèle entre le krumping et les danses tribales africaines. Le krump éclaire Thomas sur ses origines, rien ne sera plus jamais pareil.

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