jeudi, septembre 15, 2005

 

"Dansons sous les bombes".

"Patrick Eudeline donne des lectures publiques à Paris en compagnie de Dantec ou Houellebecq. Il tient un petit rôle dans le film de Virginie Despentes "Baise Moi". Il écrit toujours des textes à couper le souffle dans "Rock and Folk" ou "Nova Magazine". Dernier livre publié (après le mythique et introuvable "L'Aventure punk" écrit dans le feu de l'action) : "Ce siècle aura ta peau". Dernier disque sorti (après ceux d'"Asphalt Jungle", premier groupe punk français, et quelques expériences solos) : "Patrick Eudeline & Myriam", prétexte à l'époque à chronique et interview... Je ne cherche pas à définir ma musique, il arrive un moment, il faut l'espérer, où les influences sont assez intégrées pour faire ton propre truc. Donc je sais ce que j'aime, je sais d'où je viens, mais c'est tout. Donc définir la musique... C'est de la chanson, c'est du blues, ça doit faire partie de la culture rock'n'roll je suppose, même si ce n'est pas le but ou si le problème n'est pas là. Je veux dire, c'est pas le genre de questions que je me pose. Allez demander ça à Gustav Mahler, j'sais pas ce qu'il vous répondrait... Je fonctionne un peu comme un peintre : j'ai une image visuelle de ce que je veux faire, et après j'écris la musique ou les paroles jusqu'à ce que ça ressemble à ce que je veux faire, mais jamais je ne suis là sur une guitare à me dire "oh super, j'ai trouvé un riff, je vais faire un morceau". Non en fait c'est un tableau, quoi. J'ai une vision d'une chanson et maintenant je connais assez la musique pour savoir comment y arriver. Je me dis "bon ça sera une ballade rythm and blues romantique mais avec des violons à la Chostakovitch, ça parlera de telle ou telle chose", et voilà ça se passe comme ça. Tu vois, les musiciens de jazz ou de rock ils improvisent sur un instrument et le morceau naît comme ça. Moi jamais je ne travaille comme ça. Le titre "Julien" a une histoire derrière. Au tout début, au moment de la gestation, c'était un morceau qui parlait de Rikky Darling, le guitariste d'Asphalt Jungle, qui était un grand paranoïaque et tout, j'ai écris le texte de la chanson et j'ai eu peur qu'il le prenne mal. Bon les gens l'entendent comme ils veulent mais quand même c'est sur la vie après la mort, des choses comme ça quoi, on peut l'entendre comme ça tout au moins, et je ne voulais pas qu'il y voit une sorte de mauvais présage ou je ne sais pas, et donc j'ai changé, je l'ai appelé "Julien", ça m'est venu comme ça, et le soir même j'apprenais que Julien Regoli, qui était le guitariste d'"Angel Face" et qui a écrit un livre sur le rock français, était mort la même journée. Dans la nouveauté y a pas grand chose, je n'ai pas de nouveau trip, donc j'essaie d'approfondir ce qui m'intéresse vraiment ou de mûrir les techniques, puisque maintenant j'ai même du mal à écouter de la musique gratuitement, j'essaie de démonter la mécanique, des fois c'est même presque un problème parce que j'ai envie de retrouver le contenu émotionnel de mon adolescence, maintenant je sais trop comment c'est fait pour y arriver. Mais sinon j'ai une grande curiosité qui en ce moment n'est guère assouvie. Mais en même temps je crois que c'est une époque tellement horrible et nulle que ça en devient intéressant. Je suis de plus en plus millénariste, c'est à dire que je crois de plus en plus que c'est effectivement la fin des haricots, et donc j'assiste à ça. Des gens se réclamaient de "Asphalt jungle", tels les Coronados, c'est à eux de voir, pas à moi. C'est difficile à dire. Régulièrement il y a des groupes qui reprennent "Polly Magoo", je sais que j'ai influencé des gens, c'est assez flatteur parce que ce sont des gens que j'aime bien et que je respecte. Si je devais revivre un moment de ma vie ? Peut-être pas un moment particulier, mais tout recommencer pourquoi pas ? Mais je ne suis pas sûr d'avoir envie d'avoir vingt ans aujourd'hui. Je préfère les avoir eu quand je les ai eus. Même si à l'époque je considérais déjà qu'il était trop tard, puisque je suis d'une génération qui a toujours vécu la nostalgie, en fait. La vraie époque d'or c'était les sixties, j'étais trop jeune, le punk rock, je le sais bien, c'est né sur la nostalgie, le glitter, toutes ces choses qui étaient une volonté de relancer, de réactiver toute une beauté perdue, des choses qui s'étaient délitées, enlisées, donc j'ai toujours vécu dans la nostalgie du paradis perdu, c'est un peu le synonyme de ma génération... De toutes façons je suis assez conscient de la fuite du temps en général pour être prêt à revivre n'importe quoi rien que pour le plaisir de le revivre. Mes derniers coups de cœur ? je vais pas dire que j'ai flashé sur la partition de "Twin Peaks" ou que je regarde à la télé "X-Files" et "Les Contes de la Crypte", ça doit pas intéresser grand monde... Les dernières personnes marrantes à avoir émergé, c'étaient Courtney Love et Kurt Cobain, je les aimais bien, c'étaient des gens, je comprenais qui c'était quoi. Depuis non, y a pas grand monde qui m'ai fasciné vraiment. On vit une époque tellement terrible, je pense pas que ce soit une réflexion de vieux con ou de nostalgique...Je suis toujours autant en colère, on dit que ça se perd avec l'âge mais ça j'y crois pas. Disons que c'est pas la même colère, il y a plus d'humour, maintenant ça finit par m'amuser quoi. Quand on parle de la chanson réaliste, on oublie toujours qu'elle a été inventée stylistiquement et tout ça par les poètes décadents et les musiciens de l'école Debussy, Éric Satie, etc. Les gens qui ont influencé directement les créateurs du blues. D'ailleurs Jelly Roll Morton, tous ces gens là, quand ils ont codifié ce qui allait devenir le jazz, avec les accords, une certaine manière de jouer les septièmes, la blue note qui caractérise le blues et le jazz, c'étaient des musiciens de l'école impressionniste française. Donc pour moi ça va de paire. Et là j'ai parlé en théorie, mais en pratique ça va de soi, tous les gens qui m'intéressent, tu vois, quand on parle de dandysme, j'ai beaucoup plus de fascination pour les gens qui sont venus après Baudelaire que pour le comte d'Orsay ou Brummel, ou même Montesquieu, qui étaient des aristocrates qui avaient les moyens. Et Huysmans était plus intéressant que Des Esseintes, parce que Huyssmans était pauvre. L'élégance, le dandysme et ce genre de choses ne va qu'avec la misère, sinon c'est trop facile. J'ai un grand projet, je veux que ce soit en même temps un roman et un opéra, c'est la même histoire qui sera modulée dans un disque (comme pouvait l'être Berlin de Lou Reed, par exemple), un roman et éventuellement une mise en scène d'une manière paupériste au sens Bertold Brecht (il n'est pas question de faire Mayflower ou Starmania) et donc ce roman qui est pour ainsi dire fini, ou il va sortir en tant que tel ou il va être remanié pour s'intégrer dans ce genre d'histoires. Donc j'hésite encore un peu. Je sais qu'il y a eu des rock critics qui ont eu beaucoup d'influence sur moi, des gens comme Philippe Paringaux, Yves Adrien, Nick Kent, Jean-Jacques Schuhl au tout début des années soixante-dix, disons que c'était le mode d'emploi de ce que j'aimais, je crois qu'en France les mots sont importants, pas simplement à cause du piège de la langue, mais parce qu'on a besoin de ça, et donc écrire sur le rock je continuerai, plus ou moins, d'une manière ou d'une autre, mais je n'ai pas envie de trop me galvauder, d'écrire sur n'importe quoi, et comme il n'y a pas grand chose sur quoi s'exciter, ne pas faire des articles négatifs, décrire l'horreur de la situation aux pauvres générations affligées, ou refaire la biographie de Robert Johnson... Il y a plein de choses que je lisais quand j'avais quatorze ans, je ne comprenais rien, je me rappelle même mon premier numéro de "Rock and Folk", la moitié des artistes je ne les connaissais pas, la moitié des références je ne les connaissais pas, j'ai découvert Oscar Wilde à cause d'un article de Philippe Paringaux, qui comparait Keith Emerson, l'organiste bien oublié mais très élégant à l'époque, à Oscar Wilde. Il parlait de Dorian Gray, d'Oscar Wilde, j'ai dit "qui c'est ça ?" et voilà. C'est ce que j'ai voulu faire, c'est tout simple, faire découvrir un univers et permettre de le conjuguer au présent. C'est ça le problème aujourd'hui, il n'y a aucune bonne ou mauvaise culture dominante. Dans les années quatre-vingt, tous les mouvements, le rockabilly, le ska, tout ce que tu voudras, même si ça valait pas tripette, même si c'était de la nostalgie mal exploitée la plupart du temps, ça avait le mérite d'exister. Maintenant, à part le syndrome rap, world music, qui est en général pathétique de médiocrité, indépendamment de tout critère de goût... Que dire aux gens pour conjuguer les choses au réel, je crois que la nostalgie c'est vain si ce n'est pas une manière de vivre son présent. Ca a toujours été comme ça, même s'il y a eu des époques de ma vie où je n'aurais pas vécu dans un environnement ou porté quelque chose sur moi de fabriqué ou construit après 1885, d'autres où c'étaient les années soixante, je suis le premier à avoir ce genre de maniaqueries et dandysme, mais ça a toujours été une manière de vivre l'époque. Il y a une règle importante en art : toutes les avant-gardes se sont construites sur la nostalgie d'un académisme. Debussy a révolutionné la musique en croyant faire revivre Rameau, la grande époque française, pareil pour les poètes symbolistes, même les surréalistes d'une certaine manière. J'ai toujours voulu faire découvrir des cultures, des formes... En 1977 j'étais halluciné quand je voyais des musiciens qui avaient été des anciens mods hurler contre le punk rock, alors que n'importe qui voyant un concert des "Sex Pistols" en 1976, s'il avait vu les "Who" en 1964 c'était la même chose. C'est une question aussi de sensibilité, de coeur. Debussy ou Keith Richards, ça me parait évident de voir que c'est les mêmes personnages, même si les époques ou les contextes sont différents. C'est un même romantisme. Il y a une grande tradition du romantisme, plus ou moins noir de préférence, qui passe par des formes complètement différentes. Et c'est là que tout peut se rejoindre, et d'évidence. Cette histoire d'innocence c'est très compliqué parce que la dernière fois où il y a eu une bascule exacte entre l'innocence et la connaissance, c'était justement le punk rock. Où les gens qui le faisaient avaient en même temps en général une certaine innocence, bon des fois même un peu trop, et une sorte de culture de base, vaguement années soixante en général, dont ils se réclamaient ou au moins utilisaient le même langage, tout en croyant faire quelque chose de vraiment nouveau, c'était assez confus dans leur tête, mais maintenant tout le monde est beaucoup trop conscient de ce qu'on fait, il y a tellement trop d'informations, tout le monde a accès à tout sans travail et il ne peut plus y avoir d'innocence. La technologie et les médias ont tué ça. Et c'est pour ça d'ailleurs que je ne crois plus qu'il puisse y avoir un mouvement issu du rock'n'roll fort et signifiant. Même si le problème est qu'on a rien trouvé d'aussi fort. L'histoire grunge, c'est la dernière fois où des gens ont essayé d'utiliser le rock'n'roll comme une culture révoltée, mais personne ne l'a vécu comme ça, parce que ce n'était pas possible. Malgré tout l'amour que j'ai pour les gens des années cinquante ou soixante, ils avaient quand même bien de la chance, parce que c'était beaucoup plus facile d'être Stevie Winwood en 1964, ou qui on voudra, que n'importe qui maintenant.
(Propos recueillis par Mich' & Alias le 22 janvier 1996, première parution dans "Presto!")

Un petit article sur le festival de Noisy le Sec dans "Best" d'août 1976 disait "Patrick Eudeline et son "Asphalt Jungle" de fortune firent passer en quelques minutes plus de vibrations que tous les groupes en dix heures de musique". Près de vingt ans plus tard le charme opère toujours. Le mec est possédé, hanté, magnétique. Mais s'il est habité par la grâce musicale, il l'est surtout par des cauchemars qu'il appelle pudiquement des rêves, des résurgences de malédictions lointaines, "Le même esprit du mal qui marche et rôde auprès de moi. Le blues tombe comme grêle et tombe sur ma vie". Oui, Monsieur chante le blues. J'oserai même dire qu'il le chantait déjà dans l'"Asphalt Jungle" le plus punk et dur. Autant que dans ses mémorables reprises de "I put a spell on you". C'était déjà et c'est toujours la nuit, le pavé, le manque, le mal, les visions. "Mais non, ça fait pas mal ! C'est juste cette douleur comme une amie oubliée, qui revient de nulle part, qui revient vous chercher..." Il l'a toujours chanté aussi dans ses articles et pas seulement dans "Best" où il est le seul à pouvoir vraiment célébrer le martyre de Stiv Bators, Johnny Thunders, Gene Vincent, Vince Taylor ou Rimbaud à la manière d'un enterrement jazz, mais dans Actuel où en 1980 il détectait les beatnicks sous la surface lisse des "jeunes gens modernes" (et combien la suite lui donna raison), ou dans "Zoulou" quand il interviewait le Mickey Rourke "Motorcycle Boy" de 1984 (si passionnant alors). Vous l'ignorez peut être mais la moitié au moins des gens qui pondent des textes en France depuis 1974, chansons ou critiques, font plus ou moins du Patrick Eudeline. Et vous le connaissez, même si vous croyez ne pas l'avoir lu ou écouté. Il habite le rock français aussi vrai qu'il est habité lui-même par le blues. Ou par "Johnny" qui nous fait penser tantôt à Thunders, tantôt au Favorite d' "Angel Heart", film blues-possession s'il en fut. Et soudain dans tout ça tombe Myriam, sa voix superbe, son demi-sourire. Pour elle, les voix d'outre-tombe s'appellent Damia, Frehel ou Piaf. Et quand on l'entend valser "Emmène moi", on se retrouve un moment dans un cabaret chez Fassbinder ou Schmid à écouter la Caven. Pas beaucoup plus optimiste qu'Eudeline ("Quand je ferme les yeux me monte comme un sanglot"), son "Grand Huit" est quand même la seule envolée à l'air libre de l'album, montant vertigineusement, suffoquant d'autant plus qu'on s'était habitué aux caves sombres et enfumées. C'est son numéro de bravoure, comme "Julien" est à mon avis celui d'Eudeline (je parle d'interprétation, puisque tous les textes sont de lui). Si vous aimez Tom Waits, Arno, Ingrid Caven, les fanfares tragiques ou les cabarets punks, le disque de Patrick Eudeline vous envoûtera durablement. (Alias, première parution dans "Presto!",1995). Un article sur le roman " Ce siècle aura ta peau". "Il n'est pas homme à rater sa fin de siècle à lui, fin de vingtième, une fin qu'il voit poudrée, séropositive, aux strips bon marché, mais combien sexy. Car si ce "beautiful loser" n'a plus aucune illusion et éventre sadiquement tous les mythes, notions, clichés et espérances, il lui reste une dernière chose à laquelle il ne sera jamais infidèle. Il ne s'agit pas du punk, même s'il a quasiment crée le mouvement en France avec son groupe "Asphalt Jungle" ou par ses articles, même s'il a voulu faire le point là-dessus il y a longtemps déjà en publiant "L'Aventure punk", même s'il en crève à petit feu de ne jamais avoir retrouvé depuis quelque chose d'à moitié aussi excitant. Non, parce que le punk "cela avait été de grands mots, à faire rêver sur les disques; mais au quotidien de petites choses guère glorieuses. Parce qu'il ne pouvait en être autrement, que la vie était ainsi. Un bricolage. Avec les moyens du bord". Pas non plus les gens qui l'ont vécu, "perdus au milieu d'un choix impossible : vieillir ainsi, s'enliser dans les pochettes ternies, ou laisser la came et les rêves façon cocagne show-biz vous foutre à la rue...". De toute façon, pour quelqu'un qui a connu le punk, "il est déjà trop tard pour faire un joli cadavre", et "même si on n'a jamais vu son heure venir, on sait que celle-ci est déjà passée". Eudeline ravage aussi toutes les idées que l'on peut se faire des lieux branchés, "bars à désœuvrés promis à une imminente rénovation bidon, au bidule cyber-house, avec de la musique qui danse sur des corps qui s'enfoncent, un faux décor de vieux Paris, avec zinc et piano désaccordé pour singer la fête", ou des squatts, "où une troupe colorée et bon enfant rejouait inlassablement la même pièce, avec occupations rituelles, musique bamboulesque et mamas généreuses", qui n'aboutissent qu'à "un foutu bordel, avec papiers gras, incendies de poubelles et tapages nocturnes, toute la théorie de vieux garçons qui s'oublient". Tout cela entraîné, récupéré, cautionné par les vieux gauchistes à écharpe rouge des années 70, traficotant dans la came et/ou la hi-fi : "de la façon dont le bonhomme avait su séduire, en quelques jours, son nouveau public... Se l'attacher de mille liens combinards impalpables, on ne pouvait que se dire que la politique le méritait effectivement et qu'il n'usurpait finalement rien". Eudeline ne sauve pas non plus l'amour, "deux petits egos en perdition qui s'étaient trouvés chacun, en ultime ressource, une proie à saigner...", ni le sexe, que l'on a rarement décrit avec cette lucidité, en faisant ressortir à la fois toute l'agressivité bestiale et tout l'ennui mortel. Il égratigne même Paris, trop changée pour qu'on lui pardonne, ou le rock, devenu "une amicale vétérante". Non, on ne la lui fait plus, il a déjà donné, c'est l'impasse. C'est pourquoi il ne peut pas se permettre l'humour qu'auraient mis à décrire ce monde certains jeunes auteurs brillants. Parce qu'il n'est pas un jeune auteur brillant, adulé à vingt ans parce qu'il parle bien et d'un ton léger de jeunes asociaux croustillants. Parce qu'Eudeline a réellement parié sa vie, sa peau, en se colletant à d'autres vies, d'autres rêves. Il est de ceux qui laissent des plumes et qui voient les autres disserter sur eux. Il est de ceux qui ont vu mourir junkies presque tous les amis mais ne pardonnent pas aux survivants de décrocher. De ceux qui n'ont peur de rien, sinon de grossir ou d'être un moins joli cadavre ambulant. Car tout ce qui reste à respecter se trouve dans la troisième phrase du livre : "l'esthétisme de la chose". La beauté du geste. La classe décatie du vrai marginal, qui peut dormir trois nuits de suite dans la même chemise à jabot. Le siècle aura peut-être sa peau, mais elle tombera avec panache, il sera l'ultime référence. Eudeline est superbe. Définitivement. Il a la classe d'une culture étonnante, d'une distanciation imprévue, d'un détachement qui est un désenchantement. La classe de dire "le Clash" et pas "les Clash" (contrairement aux traducteurs de l'infortuné Lester Bangs). La classe d'avoir fait un vrai roman en évitant de parler des uns ou des autres ostensiblement. On n'est pas dans Voici. La classe d'avoir évité de trop le bourrer de panoplie rock satanique. Bref, il a contourné de redoutables écueils. Pas celui d'une oeuvre tellement ancrée dans une époque donnée qu'elle en est forcément datée : dans quinze ou vingt ans d'ici, Nova Magazine ou Les Inrocks évoqueront-ils encore quelque chose pour quelqu'un ? Et qui se souviendra de Saint Bernard ? Mais dans quinze ou vingt ans, le siècle aura eu la peau du monde dont s'agit... C'est maintenant qu'il faut lire ce livre. La bande son existe, avec les paroles, les thèmes, les personnages, les situations. A ce "grand mal blanc du désarroi (...) foutrement trash et millénariste".
Alias (première parution dans "Presto !" en 1997)

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