mardi, juin 20, 2006

 

Thom et Jack sont dans un bateau.

THOM YORKE - THE ERASER.
"Un épais brouillard entoure la sortie du premier album du leader de Radiohead sans Radiohead. La situation du groupe aux six albums ? Mystérieuse comme une face B d’ “Amnesiac”... Les Oxfordiens sont repartis sur la route et jouent chaque soir quantité de nouveaux titres. Ceux-ci ne figurent pas sur “The Eraser”, que Thom a choisi de sortir sur un nouveau label. Dans les limbes du Net, l’artiste ose cette précision, quasiment de la novlangue (cocasse pour cet adorateur de George Orwell) : “Ça a été fait avec la bénédiction du groupe. Et je ne veux pas non plus entendre le mot solo...” Un disque, donc, “écrit et joué” par Yorke, “produit et arrangé” par Nigel Godrich, fidèle metteur en son du quintette depuis “OK Computer” et un peu plus encore. En clair, les sonorités sombres et électroniques de “The Eraser” seraient donc également imputables au réalisateur des derniers Paul McCartney et Air, disques pas exactement festifs eux non plus. Dans leur forme, ces 41 minutes 16 secondes tiennent la promesse faite par Yorke : oui, il s’agit bien d’un disque de chansons. Elles sont au nombre de neuf, possèdent des paroles intelligibles et aucune n’atteint une durée déraisonnable. Mais Thom Yorke reste Thom Yorke. C’est-à-dire un amateur éclairé de stridences qui s’écoute au réveil Throbbing Gristle et Autechre d’une même traite. Un terroriste musical refusant le coup des stades façon U2. Toujours, Yorke, épaulé par Jonny Greenwood, a viré vers un radicalisme déconseillé par les directeurs artistiques : cordes atonales, sons synthétiques terrifiants, abandon fréquent des guitares — et parfois aussi des refrains. “Kid A” et “Amnesiac” ont pourtant été de splendides réussites artistiques. Cela n’est pas grand-chose comparé au nouveau voyage ici proposé. Après écoute de l’opus mystérieux par une poignée de journalistes, on devinait sur le visage des confrères de terribles impressions du type y a-t-il un cimetière sur la pochette ? ou encore on dirait du Björk !... Godrich a su, il est vrai, tisser un cocon avant-gardiste soulignant au mieux les névroses du chanteur. Le coup des boîtes à rythmes tordues, des synthés d’aéroport glauque à effrayer Brian Eno lui-même, des pianos désaccordés, samplés puis recollés, l’amateur de Radiohead en avait fait son pain quotidien. Utilisant la même palette, Thom Yorke pousse plus loin encore son entreprise de description sonique des aliénations modernes. On recense à peine trois guitares. Celles-ci sont filtrées, ratiboisées, jouées sur des modes africains renversants (“The Clock”) ou comme du Robert Johnson en featuring chez Aphex Twin (le très réussi “Skip Divided” et son crescendo haletant). La batterie en bois si prisée des rockers est ici réduite au néant — un entrechoc de baguettes sert de squelette à “And It Rained All Night”, et c’est tout. Sous le bombardement de bips désincarnés, c’est également l’écriture du garçon qui a changé. Yorke ose d’étranges mélodies tournoyantes que Björk, en effet, ne renierait pas (“The Eraser”). Ailleurs, c’est une tentative plus heureuse de soul triste avec rythmique à la Marvin Gaye (“Black Swan”). Le single sera “Harrowdown Hill”, à peine plus vendeur que les autres, mais traversé d’un riff de basse sale et funky, de claviers new wave et de paroles adressées à l’être aimé (“We think the same things at the same time”). Reste la voix, cette chose qui différenciera toujours Thom Yorke du bidouilleur lambda. Livrée nue et papillonnant entre les registres, elle demeure belle à pleurer et guide l’auditeur dans la nuit."
THE RACONTEURS- BROKEN BOY SOLDIERS.
"C’était il y a un an de cela. Jack White tentait, à travers le cinquième album des White Stripes, “Get Behind Me Satan”, de complexifier la routine garage rock en y ajoutant une batterie de fausses pistes. A travers cette déclaration d’indépendance, on pouvait déjà pressentir l’envie de se faire la belle pour Jack White. Larguer les amarres. Refuser d’endosser les habits de statut du commandeur d’un revival qui tourne en rond. The Raconteurs arrive à point nommé. Faut-il prendre ce supergroupe de Detroit comme l’unique récréation de Jack White en vacances de son association avec sa vraie fausse sœur ? Pas sûr. “Mouais, une réunion de stars de la nouvelle scène garage de Detroit. Solide sur le papier !” diront les uns. “The Raconteurs ? Aussi excitant que la révélation d’une liaison entre Brigitte Fontaine et Dominique de Villepin !” baveront les autres. Précisons qu’on a déjà suggéré dans certains magazines que le premier album des Raconteurs (le leader des Bandes Blanches Jack White donc, entouré du singer songwriter Brendan Benson et de la section rythmique des Greenhornes, Jack Lawrence et Patrick Keeler) serait “du niveau de ‘Nevermind’ de Nirvana !”. Plus calmement, on dira que “Broken Boy Soldiers” dépasse les espérances en transposant la fraîcheur des White Stripes en milieu power pop. Kinks, Who, Cars, Led Zeppelin, Bad Company : chacun est, tour à tour, convoqué dans un album en forme de juke-box vivant. Moins de blues joué à l’os donc, mais plus de mélodies évadées d’un Swinging London fantasmé à travers les pochettes de vinyles. Brendan Benson pour la pop, Jack White pour le rock au quart de tour. Les dix titres ici présents possèdent chaque ingrédient du petit tube accrocheur et malin. Sur “Steady As She Goes”, l’intro basse-batterie démarre comme “Seven Nation Army” puis s’adjoint un riff martial évoquant une sorte de Pixies discoïde. Sans doute un des titres les plus bibliquement imparables de cette année. Plus loin, c’est “Hands” ou “Intimate Secretary” drapés dans une nonchalance à deux doigts de l’implosion qu’on croyait, jusqu’alors, propriété exclusive du “Who’s Next” des Who. On recense également du folk psychédélique (le très Donovan “Yellow Sun”), une bluette soul (“Blue Veins”), un philtre d’écriture à la Lennon-McCartney (“Together” où les voix de White et Benson se mélangent à merveille), quelques hurlements heavy façon Led Zeppelin (“Broken Boy Soldier”). Un hommage réactionnaire en forme de “c’était mieux avant” ? Il n’empêche : depuis quand n’avons-nous pas entendu ce genre de disque léger et accrocheur remettant en selle spécificité sixties de l’album collection de singles ? “Broken Boy Soldiers”, c’est la découverte du rock et de la pop quand on a quinze ans. Un truc de fan assumant jusqu’au bout son côté nerd, collectionneur. Plein de codes, d’accord, mais aucune graisse, uniquement de la spontanéité. Pas impossible que les Raconteurs deviennent aux White Stripes ce que Gorillaz est à Blur."

Comments: Enregistrer un commentaire

<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?