vendredi, mai 05, 2006
Torso.
Hey ! Neo ! Pourquoi pas le prochain de la collection Giallo ? "Frère du producteur Lucio Martino, Sergio Martino touche à un peu tous les postes du cinéma (scénariste, directeur de production, assistant-réalisateur...) au cours des années 1960, avant de commencer à diriger ses propres films. Il hésite alors entre le western (Arizona se déchaîne) et le mondo (l’Amérique a nu, par exemple). Mais, lorsque, en 1970, l’oiseau au plumage se cristal, de Dario Argento, offre au thriller horrifique italien sa consécration commerciale, il se jette vite sur ce filon et participe à la vague de Giallos qui submergera les écrans transalpins durant la première moitié de la décennie. Il enchaîne : l’étrange vice de Madame Wardh, la queue du Scorpion, l’alliance invisible, il tuo vizo e una stanza chiuse o solo io ne ho la chiave et i corpi presentano tracce di violenza carnale. Ce dernier a la particularité d'être produit par le prestigieux producteur Carlo Ponti, qui avait déjà tâté de ce style thriller avec meurtre par interin d'Umberto Lenzi. Il réunit un casting international, avec les anglais Suzy Kendall (vedette féminine de l’oiseau au plumage de cristal) et John Richardson (jeune premier du masque du démon), ainsi que les français Tina Aumont (la fille de Maria Mendez et Jean-Pierre Aumont) et Luc Merenda (appelé à devenir une star du polar italien). Jane, une jeune américaine, étudie l'histoire de la peinture italienne à Pérouse. Elle suit assidûment les cours de Franz, un spécialiste de l'art de la Renaissance, et est l'amie de Dani, une étudiante qui vit chez son riche oncle. Cette "Dolce Vita" s'assombrit brutalement lorsqu'une de leurs camarades est retrouvée assassinée, avec son amant, par un mystérieux sadique. Plus tard, c'est une autre élève de leur université dont le cadavre est découvert. La police n'a qu'un mince indice : une fibre de tissu venant d'un vêtement porté par le tueur a été retrouvée. Elle permet de reconstituer l'écharpe qu'il portait. Dani est sûre d'avoir vu cet accessoire vestimentaire auparavant, mais ne peut se souvenir où... Hélas, l'énigme policière, une fois ses prémices installées, ne va guère passionner Martino. S'en désintéressant nettement au bout d'un moment, il se contente de reprendre vaguement des éléments de L’oiseau au plumage de cristal (traumatisme enfantin, témoin tentant de se remémorer un fragment d'indice...), puis de bâcler précipitamment ses révélations finales. Les suspects sont multiples (voire trop nombreux), mais leurs personnalités, à peine esquissées, ne permettent pas au spectateur d'élaborer, sur la longueur du métrage, des hypothèses solides. Ce qui intéresse Martino, ici, c'est d'accumuler les scènes de meurtres et, surtout, les passages érotiques. Si les amateurs de récit policier peuvent se sentir floués, les fans de mini-jupes et de poitrines juvéniles seront à la fête. Tous les prétextes semblent bons pour déshabiller le casting féminin, tandis que les cadrages sont savamment élaborés pour mettre en valeur le décolleté d'une telle ou la culotte d'une autre. Les assassinats, relativement fréquents, se distinguent par une crudité et une violence assez prononcées : étranglement, égorgement, étouffement, tête écrasée... Le sadique fait ici preuve d'une sauvagerie notable, que Martino rend sans cacher les détails sanglants. Hélas, les effets spéciaux, souvent approximatifs, gâchent un peu les résultats. Torso se conclut sur une demi-heure de suspens "à l'américaine", rappelant certains thrillers comme Qu’est-il arrivé à baby Jane ? ou Seule dans la nuit. Jane est enfermée dans une vaste demeure, avec, pour seule compagnie, le tueur, qui ignore sa présence. Un jeu du chat et de la souris s'engage alors, au cours duquel Martino ne recule devant aucune grosse ficelle pour surprendre le spectateur, de façon parfois malhonnête ! Torso paraît annonciateur des slashers américains des années 1980, aussi bien dans sa manière de négliger le récit et l'atmosphère pour favoriser l'érotisme, la violence sanglante et le suspens "efficace", que dans sa façon de sélectionner, en tant que victimes, des jolies jeunes filles ayant "quelque chose à se reprocher" (vagabondage sexuel, consommation de marijuana, homosexualité...). Quoi qu'il en soit, même si Martino ne semble pas se passionner pour son sujet, il assure une réalisation convenable, bien que peu originale, tandis que la musique des frères De Angelis (Guido et Maurizio), les beaux décors naturels et la photographie soignée achèvent de donner une ambiance sympathique et une finition plutôt léchée à ce giallo. Opportuniste, mais néanmoins sympathique, ce film marquera, pour Sergio Martino, une rupture. Il abandonne ensuite (temporairement) le thriller horrifique pour se lancer dans deux genres en pleine croissance dans son pays : la comédie érotique et le polar (Polices parallèles avec Luc Merenda...). Inédit en France, Torso a déjà été distribué à plusieurs occasions en DVD, notamment aux USA chez Anchor Bay (zone 1, NTSC). Il arrive dans une nouvelle édition italienne, publiée par Alan Young Pictures (zone 2, PAL). L'image est proposé dans son format 1.66 d'origine, avec option 16/9. Si Alan Young Pictures nous avait impressionné par sa restauration de Cannibal holocaust, on ne peut pas dire que le résultat soit ici aussi probant. Saletés, rayures, points blancs, contrastes hésitants dans les scènes sombres, problèmes de fixité, grain parfois très présent... Ce n'est pas vraiment la perfection à l'état pur, quand bien même ce télécinéma a été réalisé à partir du négatif original ! Néanmoins, ces défauts restent suffisamment ponctuels et localisés pour ne jamais gêner trop longtemps. De plus, seul l'état de la pellicule est véritablement embarrassant, le travail numérique (définition, compression...) s'avérant réussi. La bande-son est proposée d'une part en italien, dans un mono assez sec et non dénué de défauts (craquements, souffle, bourdonnement). Cette piste transalpine peut être consultée avec un sous-titrage italien, amovible. Elle est donc réservée aux personnes ayant des connaissances dans cette langue. Toutefois, une piste anglaise peut permettre aux anglophones de suivre le film, mais avec des sous-titres italiens imposés. Cela est regrettable, d'autant plus qu'ils sont calés sur la bande-son italienne, et sont donc parfois décalés par rapport à la version anglaise. Celle-ci est, elle aussi, dans un mono un peu vieilli, trahissant, ponctuellement, de petits problèmes de pleurage. De plus, certains passages n'ayant pas été doublés en anglais, ils passent en version italienne sous-titrée... en italien ! Ce qui est fâcheux pour l'acheteur qui ne lit pas cette langue ! Certes, seules quelques petites scènes sont concernées par ce souci, mais cette caractéristique freinera certainement plus d'un acheteur non-italien... L'interactivité est assez fournie, qui propose d'abord un commentaire audio du film par Sergio Martino lui-même (en italien). Dans la section bonus, on trouve une critique d'époque et des biographies très soignées de Martino, Tina Aumont et Luc Merenda (textes en italien). On peut encore consulter une galerie réunissant quelques photographies de plateau et un peu de matériel publicitaire d'époque, ainsi que deux sympathiques bandes-annonces anglophones de I corpi presentano tracce de violenza carnale : une américaine (TORSO) et une internationale (Carnal violence). Un autre bonus propose de visionner la scène du meurtre de Carol telle qu'elle a été filmée (en lumière diurne), et non comme elle a été étalonnée sur le DVD (lumière nocturne, conformément aux intentions du réalisateur). On peut aussi consulter le générique de début anglophone (celui qui a été utilisé sur le DVD Anchor Bay), qui propose la même séquence que sur les copies italiennes, mais avec des plans de nudités plus explicites. On a aussi droit au générique de fin anglophone, pratiquement identique à celui de la copie italienne. Bref, malgré quelques défauts d'état, ce DVD italien pourrait s'avérer la meilleure édition pour Torso. Mais son absence de sous-titrage anglais sur l'interactivité et, surtout, sur certaines scènes disponibles seulement en italien, en font un achat à réserver à ceux qui maîtrisent la langue de Dante (Dante Alighieri, pas Joe Dante !). Ceux qui comprennent l'anglais pourront se consoler avec le disque Anchor Bay, qui propose une version "uncut" du film, avec, au choix : version italienne sans sous-titre ; ou version anglaise, sous-titrée en anglais durant les scènes non doublées. Hélas, ce DVD propose le film dans un format qui ne semble pas être celui d'origine (1.85 au lieu de 1.66) et, surtout, tend à devenir assez rare."