mardi, mai 02, 2006
Giallo devant, nero derrière.
"Suite à un accident de voiture, Ted est devenu amnésique. Après avoir reçu un télégramme de son épouse qu'il ne connait pas du tout, il part la rejoindre en Italie alors que d’autres personnes commencent à s’intéresser à ce qui est enterré dans son passé… Duccio Tessari entre, comme de nombreux autres artisans du cinéma italien, par la petite porte. Il commence ainsi à s’occuper de documentaires avant d’avoir l’opportunité d’occuper divers postes (assistant ou scénariste) sur des tournages plus ou moins prestigieux durant l’effervescence du péplum italien. Il est ainsi amené à côtoyer Mario Bava, Vittorio Cottafavi, Sergio Corbucci ou même Sergio Leone. Comme d’autres, de fil en aiguille, il décroche la réalisation de son premier film qui sera les titans, un sympathique péplum avec Giuliano Gemma. Quand le Western chamboule l’Italie, il met avec bonheur le pied à l’étrier pour un pistolet pour Ringo et le retour de Ringo encore une fois avec Giuliano Gemma. Au gré des vogues, il est amené à faire des polars dont les durs et son improbable casting (Lino Ventura, Fred Williamson, Isaac Hayes et William Berger) et même diriger deux films avec Alain Delon (big guns et Zorro). Certainement pas aussi productif que d’autres de ses collègues à la même époque, Duccio Tessari aura en tout cas laissé derrière lui une flopée de métrages généreux qui respirent une certaine bonne humeur ! La vague du giallo va évidemment toucher la carrière de Duccio Tessari. Il va ainsi diriger una farfalla con le ali insanginate et, un peu plus tard, l’homme sans mémoire. Le giallo est souvent lié à de sombres histoires où des victimes sont assassinées pour des raisons mystérieuses. L’homme sans mémoire se met un peu en marge de cela. En effet, il ne conserve que la moelle du giallo littéraire avec son intrigue policière tarabiscotée et quelques effets de styles qui le rattachent au giallo cinématographique. Ainsi, la grande énigme de l’histoire n’est pas tant de savoir qui est en train de trucider une partie des personnages, les meurtres se font très rares, mais plutôt de percer le mystère laissé par l’absence de mémoire de son personnage principal. Surtout que, si le spectateur s’interroge sur ce que pouvait contenir les souvenirs du héros, d’autres sont aussi assez pressés de le voir retrouver sa mémoire quitte à le menacer physiquement. De ce point de vue, le film est avant tout un thriller. Pour son ambiance giallo, Duccio Tessari adopte tout de même une mise en scène qui essaye d’intégrer quelques petites fantaisies techniques. Enfin, pour donner une impression de mystère plus posée, il utilise les quelques rares flashs de mémoire retrouvée pour tenter d’induire en erreur le spectateur par le biais d'images ambiguës. Le résultat est assez mitigé, comme l'utilisation du ralenti, mais le tout est fait avec assez de classe pour que l’on ne s’ennuie pas bien que certains passages manquent, il est vrai, d'un peu de peps. Un homme perd donc la mémoire après un accident de voiture et est obsédé à l’idée de retrouver ses souvenirs quitte à ne pas apprécier ce qu’il va découvrir… Six ans avant l’homme sans mémoire, Julien Duvivier traitait d’un même sujet dans Diaboliquement votre où Alain Delon donnait la réplique à Senta Berger. Si le traitement du film différait par la suite, il est amusant de constater que l’actrice se retrouve une nouvelle fois l’épouse d’un mari pour qui elle est une étrangère. Senta Berger, d'origine autrichienne, a en tout cas une impressionnante filmographie allant du métrage hollywoodien (Major Dundee ou L’ombre d’un geant) à des comédies branques européennes (Quand les femmes avaient des queues). Par la suite, elle a fondé Sentana Film produktion avec Michael Verhoeven qui s’avère être aussi réalisateur d’une grande partie des films produits. Enfin, l’homme dénué de mémoire n’est autre que Luc Merenda, acteur français devenu une Star en Italie durant la vague de films policiers musclés tel que Polices parallèles en action de Sergio Martino pour lequel il tournera aussi dans un giallo (I corpi presentano tracce di violenza carnale). L’homme sans mémoire va certainement surprendre ceux qui voient dans le giallo la simple évocation de meurtres bizarres sur une mise en scène distinguée. Le film touche par instant à l’étrange avec ses quelques flashs stylisés ou encore un étrange personnage qui laisse derrière lui des mouchoirs en papier mais cela reste avant tout une intrigue purement criminelle matinée d’une machination finalement assez simpliste. En ce qui concerne la violence, auquel le giallo est souvent rattaché, elle ne pointera réellement le bout de son nez que lors de son furieux dénouement sanglant où une image amène le troublant souvenir du Pulsions de Brian De Palma qui ne sera tourné que plusieurs années après. Imaginez donc la déconvenue des spectateurs lorsque le film de Duccio Tessari est distribué en France, quatre ans après sa réalisation, affublé de deux titres dont celui de la trancheuse infernale qui ne reflète en rien le contenu du film si ce n’est les dix dernières minutes. La traduction littérale du titre original, L’homme sans mémoire étant largement plus évocateur. Ce film de Duccio Tessari n’a apparemment pas encore connu les honneurs d’une distribution en DVD et Neo Publishing semble être les premiers à s’y être intéressé bien qu’une édition soit prévue dans les prochains mois du côté des pays nordiques. Le fait d’essuyer les plâtres amène souvent quelques risques à l’erreur. Pourtant, il faut reconnaître que la copie au format cinéma respecté et en 16/9 est de très belle facture. Les pistes sonores en mono d’origine sont claires mais sonnent parfois de manière un peu dure surtout sur les dialogues. Le premier contact avec cette édition DVD est des plus agréable avec son digipack jaune agrémenté de reproductions d’affiches à l’intérieur. Les collectionneurs pinailleront certainement en découvrant des reproductions de photos d’exploitation qui sont en fait des faux. En effet, ce type de photos d’exploitation n’est pas du tout usité en France. La galerie de photos sur le DVD reprend d’ailleurs ces fausses photos d’exploitation. Il est aussi vivement conseillé d’éviter de lire le résumé au dos si vous ne voulez pas que l’on vous déflore une trop grande partie de l’intrigue. En plus du film et de la galerie de photos ainsi que des filmographies, on retrouve deux suppléments produits spécialement pour l’occasion. D’un côté une interview d’Ernesto Gastaldi, scénariste, qui raconte de manière fort sympathique son entrée dans le cinéma italien. On pourra être surpris par le fait que l’homme sans mémoire n’y est pas abordé laissant à penser que l’entretien n’a pas été réalisé à la base dans l’optique de le placer spécialement sur ce DVD. On sera aussi surpris par l’aspect un peu spartiate pour ce qui nous est pourtant présenté comme un portrait (par exemple, il n’y a aucun extrait des autres films auquel il a participé en dehors d’une poignée d’images fixes de génériques ou son nom apparaît…). Il s’agit donc essentiellement d’une interview et il en va de même avec Luc Merenda qui revient lui aussi sur sa carrière. Pas de chance, sur l’homme sans mémoire, il n’a rien de très particulier à raconter. Pour le coup, on en vient à regretter qu’il ne lui ait pas été demandé de parler plus en détail de ses autres films. Sur ce segment en particulier, on notera de nombreux passages où la mise au point est fait à la volée nous offrant des passages momentanément flous ce qui ne donne pas un côté très pro à l’ensemble. Mais ne terminons pas sur une note négative car bien que l’on n’apprenne finalement pas grand chose sur les films, il est toujours intéressant de voir ces deux personnalités s’exprimer qui plus est sans mâcher leurs mots !"