lundi, janvier 09, 2006
Everybody knows that the dice are loaded.
Revu ce film. Voila le déclic, qui un jour m'a filé envie de passer derrière un micro. "Marc Hunter débarque fraîchement dans une petite ville d’Arizona. Il ne connaît personne et personne ne semble s’intéresser à lui. Pour sortir de cet exutoire, il crée une émission de radio pirate où il exprime, sous le pseudonyme d’Harry la trique, ses sentiments les plus incertains. Seulement les élèves du lycée trouvent rapidement en Harry une sorte de nouveau leader emblématique, alors que l’école et les forces de l’ordre aimeraient bien "débrancher" ce nouveau gêneur. Une décennie vient de s’écouler. Une décennie faite de strass et de paillettes où la jeunesse a (trop) souvent été montrée comme dorée et à l’abri de tous ces problèmes existentiels qui font écho aux questions adolescentes et qui forgent ces hommes en devenir. Face à une véritable représentation pudique, ou au souhait très haut placé de ponctionner au possible cette nouvelle vache à lait qu’était devenu l’adolescent typique des 80’s dans le temple de la consommation d’une culture bon marché, le nouveau jeune, pour peu qu’il soit conscient de son nouvel état, ne sait plus où sont ses marques et repères fondamentaux et se doit de se réapproprier une identité propre. Seulement, alors que les parents semblent désormais redevenus un peu trop nombrilistes, abusivement préoccupés par leur réussite, et reprenant vite conscience de leur situation, comme si ces dix années venant de se terminer n’étaient qu’un jeu, les enfants doivent se forger ce nouveau visage, fait du vide d’une éducation presque inexistante, lâchés au milieu de nulle part dans une vie qu’ils n’ont pas demandée. Ils ne savent pas ce que leur réserve ce nouvel avenir. Ils ne savent pas non plus ce dont ils ont envie. Mais une chose est sûre, c’est qu’ils savent absolument ce dont ils n’ont pas envie. La nouvelle descendance arrive et présente bien haut les étendards du désenchantement comme principe, de la rébellion comme politique et de la libre expression comme école de la vie. Génération "Fucked Up" vous avez dit? Ainsi soit-il! S’affirmer coûte que coûte. Tel est le nouvel idéal de cette jeunesse. Pouvoir exister et trouver réellement cette figure nouvelle sur qui compter, car si notre camarade de classe ou notre voisin possède le même problème, les choses n’avanceront pas forcément, ou en tout cas pas au bon rythme. Alors pour ça, il faut des meneurs, des gens aux idéaux proches des nôtres et qui puissent faire avancer les choses, sans pour autant être inapprochables. Quelqu’un qui nous comprend, qui se pose les mêmes questions fondamentales mais qui propose une ou plusieurs orientations. Et Marc/Harry devient vite ce porte-parole tant recherché. Pourtant, ce n’est pas le souhait premier de ce nouvel animateur radio. Marc n’utilisant ses appareils que pour se persuader qu’il existe dans ce nouveau monde. Car si ce sont ses parents qui lui ont offert ce matériel, ce n’est que pour qu’il puisse continuer de fréquenter ses copains new-yorkais, se sentir moins seul et mieux appréhender sa nouvelle vie. Mais l’appareil ne fonctionnant pas comme promis, "Harry la trique" surgit de l’esprit de Marc et, en Mister Hyde qui s’ignore, donne vite le change et oriente enfin, tel un gourou, ses comparses vers une lumière peut-être noire mais en tout cas certaine. Et pour l’aider dans sa démarche, il pourra compter sur son oreille de mélomane et sur les différents artistes musicaux, que l’on qualifie trop vite d’entraîneurs à la décadence, que sont le pape Leonard Cohen, les pères du mouvement "grunge" Pixies, Sonic Youth ou Soundgarden, ou bien encore les "fouteurs de merde" Beastie Boys, accompagnés tout autant par les vieux punks tendance californienne que sont The Descendents. Cette musique soi-disant underground guidant à son tour Harry vers ses interrogations propres, car si l’utilisation pirate des ondes radios l’aide à affirmer sa libre-pensée, elle marque aussi une étape dans son affront de l’interdit. SOMETIMES BEING YOUNG IS LESS FUN THAN BEING DEAD À l’exact opposé de ce que l’on nous offre depuis dix ans, où le bronzage prime sur l’encéphale, Pump Up the Volume, a débarqué dans les salles en présentant cette nouvelle génération qui allait affronter les 90’s et a clôt, avec force et fermeté, le genre. Car le propre du teen movie est de confronter le spectateur aux questions adolescentes pour mieux évaluer les idées de chacun, même si pour cela il faut parfois user de stéréotypes, et pour mieux affirmer les interrogations ontologiques et/ou ludiques, et ainsi capter l’essence même de ce que deviendront ces personnes entre l’âge de la tête blonde innocente et celui de l’adulte façonné. Bien souvent, cette période correspond à la remise en question, la connaissance de soi, l’interrogation sexuelle et le rejet de l’identité parentale. Et ça, le réalisateur Allan Moyle l’a bien compris, puisqu’il a créé son personnage de Marc Hunter à l’image même de millions de personnes, celle des ados mal dans leur peau. Comme un reflet de ces personnes au manque d’assurance et qui foncent, le regard baissé, dans les couloirs des lycées sans oser s’arrêter de peur de déranger l’institution. Une sorte de portrait de ceux qui rêvent secrètement de faire sortir leurs démons intérieurs, leur face cachée, pour mieux extérioriser leurs sentiments mais qui se heurtent aux préjugés et aux douloureux constats de leur mise à l’écart (in)volontaire. Mais, armé de son micro, de ses cassettes et de sa pensée, Marc se retrouve (trop?) vite propulsé nouveau leader des ondes, traversant lui-même cette difficile période, et arrive enfin à s’exprimer tout autant que son double Harry, avec son penchant insoumis, que tout le monde possède mais que peu de personnes laissent exprimer. Si pour Marc/Harry, l’utilisation volontaire et nécessaire de son émission est un moyen pour se sentir vivre, c’est tout autant une aide pour comprendre et affirmer sa sexualité. Et voir Marc déambuler torse nu dans sa chambre à balancer des messages presque révolutionnaires, faire semblant de se masturber, parler crûment à ses comparses, mais en donnant malgré lui cette image de chef de meute, comme un prédicateur qui divulguerait ses bons conseils dans la foi de la religion, paraît presque antinomique. Et ce coté contradictoire sera même amplifié lorsque, en parallèle, la directrice organisera une assemblée générale entre parents et professeurs pour parler du problème de cette radio pirate. Elle se retrouvera vite dépassée par des évènements qu’elle ne peut contrôler, devant une manifestation bien réelle, alors qu’il suffit juste d’une parole pieuse de ce démon d’Harry sous forme de "Ainsi soit-il!" ou de "Alléluia!" pour que son auditoire, invisible mais palpable, boive ses paroles au calice qu’est devenu son micro. On passera sur le coté phallique dudit micro, qu’il utilise à pleines mains lorsque qu'il est en pleine fougue, mais qu’il laisse reposer sur un pied quand le sérieux reprend son dessus. Alors enfermé à double tour dans sa chambre, ce haut lieu de l’intimité, à l’abri des regards indiscrets - là où son père, ce nouveau venu dans l’univers administratif de son lycée, ne pourra que "garder ses sermons pour les masses" - il découvrira cependant l’amour en la personne de Nora. Son presque équivalent fait femme qui, d’abord folle d’Harry, tombera ensuite amoureuse de Marc en découvrant sa véritable personnalité, et contribuera à sa chute inévitable mais nécessaire. Bonnie & Clyde façon 90’s? Pas si éloignés finalement. Hormis que les corps troués ont été remplacés par le comblement des esprits vides".