jeudi, décembre 29, 2005

 

Maniac shock (William : drôle de Lustig ?)

William Lustig est le neveu du boxeur Jake La Motta. Lorsqu'il tournera son premier long-métrage Maniac en 1980, de son côté Martin Scorsese, autre cinéaste natif de New York, tourne Raging Bull précisément sur la vie de La Motta. Retour d'ascenseur qui fait de Lustig un homme prédestiné au monde du cinéma. Il grandit à New York, et la ville restera présente dans son oeuvre. Lustig filmera son atmosphère glauque et violente dans des polars sociaux puis dans la série des Maniac Cop. William Lustig débute très tôt sa carrière cinématographique avec un poste de chef-monteur sur Un justicier dans la ville en 1973. Il a donc tout juste dix-huit ans. Ses vrais débuts derrière la caméra se font, comme pour d'autres cinéastes new-yorkais de l'époque (Abel Ferrara notamment) dans l'industrie du cinéma pornographique. Il réalise ainsi en 1977 deux films érotiques sous le pseudonyme de Billy Bagg, Hot Honey et The violation of Claudia. Mais son véritable premier long-métrage est un film d'horreur aujourd'hui devenu culte. Lustig décide aux côtés de son comédien principal Joe Spinell de se lancer avec quelques sous et beaucoup d'énergie dans la tournage de Maniac. Le film au final, bien que d'un budget très réduit, bénéficie du travail du grand maquilleur Tom Savini. Il connait un immense succès auprès du public cinéphile amateur d'horreur. Lustig y effectue sa première incursion dans un genre bien à lui qu'il développera dix ans après avec la série des Maniac Cop, le thriller mâtiné d'épouvante. Au vu du succès manifeste rencontré par le film, son créateur envisage une suite. Quelques plans d'un Maniac 2 sont tournés, mais suite au décès brutal du comédien principal Joe Spinell, le film ne sera jamais terminé. Trois ans plus tard William Lustig tourne Vigilante - justice sans sommation, avec quelques stars de série B de l'époque, Fred Williamson et Robert Foster. Il s'agit d'un film s'inscrivant dans la lignée des polars américains des années 1980 prenant pour thème l'autodéfense et la justice sociale. William Lustig creuse le genre du polar urbain avec deux films tournés coup sur coup en 1989, Hit List et Relentless, mais ces films ne rencontrent que peu de succès. Sa carrière est à un tournant, c'est alors qu'avec le scénariste Larry Cohen ils décident de prolonger le concept de Maniac pour parvenir finalement au personnage de policier meurtrier de Maniac Cop (1989). Lustig choisit Bruce Campbell pour un des rôles principaux, et le projet se monte une fois de plus avec très peu de moyens financiers. Le réalisateur Sam Raimi vient en renfort tourner quelques plans et jouer dans une séquence. Maniac Cop remporte un très grand succès, à tel point qu'un Maniac Cop 2 est immédiatement mis en chantier et tourné l'année suivante. En 1993 William Lustig accepte de rajouter un troisième volet à la série. Maniac Cop 3 fut parasité par les incursions du studio, échappa à son metteur en scène et s'avèrera au final être un échec. Lustig ne signera vers la fin des années 1990 que deux séries Z passées inaperçues, The Expert et Uncle Sam. Il cumule les projets avortés. On vit son nom associé au film True romance puis à Reservoir dogs sans que cela n'aboutisse jamais en raison d'un différent artistique avec leur scénariste Quentin Tarantino, pourtant grand amateur de son oeuvre. En 2000 sa carrière prend une nouvelle orientation. Il ne tourne plus mais produit des émissions pour la télévision. Maniac est le type de film que vous ne verrez jamais à la télévision. La nuit, le maniac rôde, scalpant les prostituées, tuant les couples sur la plage, écumant New York à la recherche de nouvelles proies. La population est en panique, la police piétine. Mais Frank Zito n'est pas un tueur ordinaire. Blessé par la violence de sa mère et de ses amants, il souffre de solitude, perturbé par des souvenirs traumatisants. Un jour, il rencontre Anna. Pour le jeune spectateur du début des années 1980, Maniac, c'est avant tout une affiche d'anthologie, mémorable, qui marque le souvenir et impose un titre sans la moindre difficulté. Nombreux sont ceux pour qui le film, interdit aux moins de 18 ans à l'époque, est resté un mythe inaccessible, le summum de l'horreur imprimé sur pellicule, sans même que l'on puisse vérifier si cette légende (renforcée par l'interdiction en salles durant une année) était vraie. Quelques années plus tard, lorsque la collection des films d'épouvante de René Château fait son apparition dans les vidéoclubs, ornée de l'incroyable slogan: "Les films que vous ne verrez jamais à la télévision", il faut se rendre à l'évidence: Maniac est pire que tout ce qu'il nous a été donné de voir sur un écran, et rejoint ces grands chefs d'œuvre de l'horreur que sont Zombie ou Massacre à la tronçonneuse. Maniac impose un personnage différent, humain, incarné par l'incroyable Joe Spinell, lui-même auteur de l'histoire et scénariste du film. Couvert de brûlures de cigarettes infligées par sa propre mère, le tueur vit seul au milieu d'un appartement rempli de mannequins en plastique, se parle à lui-même, et invite le spectateur à pénétrer sa conscience et son intimité. Jamais jusqu'à présent le cinéma fantastique n'était allé aussi loin dans la représentation psychologique du mal, dans le cerveau malade du tueur. Et il faudra attendre le glauque Henry, Portait of a serial killer (sorti il y a quelques mois chez le même éditeur dans un digipack impressionnant) pour retrouver une telle atmosphère et un tel point de vue. Maniac partage avec le chef d'œuvre de McNaughton l'originalité de ne pas prendre partie, de se contenter de présenter dans une optique journalistique et un point de vue le plus neutre possible, les meurtres perpétués par un cerveau dérangé. Mais là où Henry propose un filmage proche du documentaire, William Lustig donne à son film les oripeaux d'un véritable film d'épouvante, scènes choc à la clé. C'est dans ce concept suicidaire que se situe le véritable malaise de Maniac, dans cette façon de montrer les meurtres les plus atroces (magnifiés par les effets spéciaux de maquillage hallucinants de Tom Savini), tout en décrivant les causes et les cheminements de la pensée qui ont pu amener à ces meurtres. En laissant ainsi le spectateur pénétrer dans l'envers du décor, le réalisateur des Maniac Cop donne une légitimité au calvaire du tueur, une explication psychanalytique, un visage humain. Les meurtres n'en sont ainsi que plus terrifiants, et il faudra des années avant d'oublier la magistrale et traumatisante poursuite dans le métro new-yorkais. Poursuite qui, par ailleurs, oriente le film du côté du thriller urbain plus proche d'un Assault, qui décrivait déjà l'aliénation mentale qui conduisait au recours à la violence, que de films d'horreur reproduisant généralement le schéma du tueur perdu en pleine campagne. Plus proche, plus dur, plus violent, et surtout plus explicite, ce Maniac, que l'éditeur Opening a l'excellente idée de proposer au public dans une excellente édition DVD. Le spectateur d'aujourd'hui ne mesure pas la chance qu'il a. Après l'édition calamiteuse du similaire (image à gros grain, travail sur le son...) Massacre à la tronçonneuse voici deux ans, grande était l'inquiétude des fans à l'idée de voir leur film culte sortir dans une édition clean, à l'image trop propre, au son atténué. Grâce soit donc rendue à Opening, qui fait pleinement honneur à ce film en le restituant dans une copie impeccable au format 1.85, à l'image cradingue à souhaits, et agrémentée de nombreux suppléments passionnants et totalement inédits pour certains. C'est notamment le cas de la terrifiante et inédite bande annonce du film fantôme Maniac 2, que Joe Spinell, décédé, n'aura jamais eu le temps de produire et d'interpréter. Réalisée afin de convaincre les distributeur du potentiel commercial d'une telle suite, elle retrouve sans peine l'ambiance glauque du premier opus et approfondit nettement la folie de son personnage principal notamment par rapport à sa bisexualité latente. The Joe Spinell Story est une biographie passionnante de l'interprète et auteur du film, présentant l'acteur comme une personnalité incroyablement charismatique, aimée du tout Hollywood, généreuse avec les nouveaux venus (il a aidé Sylvester Stallone lorsque celui ci galérait encore), côtoyant les plus grands (Coppola, Robert Foster, Steven Spielberg - dans une scène hilarante montrant le jeune Spielby réconforté par son ami Joe suite à la non nomination des Dents de la mer aux Oscars). De nombreux témoins, pour certains oubliés aujourd'hui, ainsi que les participants du film Maniac, achèvent l'édifice en donnant des anecdotes sur le tournage du film. Ce documentaire est accompagné d'une interview radio de William Lustig, Caroline Munro et Joe Spinell, enregistrée lors de la sortie de Maniac, ainsi que d'une interview vidéo récente de l'actrice. Ces trois documents ont notamment l'intérêt amusant de proposer trois versions différentes de l'arrivée sur le tournage de l'actrice. Maniac par Mad Movies: Histoire d'un film culte est un petit document intéressant et analytique proposant une interview de Damien Granger et Arnaud Bordas, respectivement rédacteur en chef et secrétaire de rédaction du magazine Mad Movies. Revenant sur la sortie française du film, sur son exploitation vidéo, sur ses enjeux, sur sa ressemblance avec Henry..., les deux intervenants font preuve d'une parfaite connaissance du film, et rivalisent d'analyses intéressantes. Enfin, Histoire du film Maniac censuré est un court reportage sur la sortie houleuse et scandaleuse du film Maniac. Cible des organisations féministes de l'époque, le film fut retiré de certaines salles, et son affiche fut censurée. Mais le gros morceau de ce DVD reste bien entendu le passionnant commentaire audio des créateurs du film. William Lustig revient sur le choix des acteurs, des décors, sur les difficultés de tournage (régulièrement parasité par l'arrivée de la police), sur les fondements du personnage de Frank Zito. De son côté, Tom Savini révèle certains de ses impressionnants trucages, notamment celui de la tête qui explose, effet similaire à un autre qu'il avait déjà expérimenté dans le Zombie de Romero. Au final, ce DVD s'avère indispensable, et semble avoir été pensé par de véritables cinéphiles respectueux d'une œuvre ayant marqué l'inconscient collectif ainsi que son époque. Qui plus est, la parole est systématiquement donnée à ceux ayant connu le regretté Joe Spinell, et le DVD contenant les bonus se révèle autant être une document sur le film qu'un portrait à la mémoire de cet immense acteur. Selon la légende inhérente aux films cultes, Maniac aurait été en grande partie tourné à New York sans aucune autorisation. Les scènes étaient alors tournées le plus vite possible avant que les véhicules de l'équipe n'entament de véritables courses poursuites avec la police new-yorkaise. C'était l'époque des video nasty. Des oeuvres sans concession aucune, assénant l'apologie du gore, des hurlements de femmes inconsidérés et des bandes-son stridentes. De ce sous-genre appartenant désormais à un passé nostalgique, MANIAC s'en est imposé comme le modèle absolu (le saisissant "Cauchemars à Daytona Beach" inclus). Dispensé de toute profondeur scénaristique, ce slasher américain incontournable auprès des amateurs s'enfonce dès le départ sous une massive couche d'atmosphère malsaine propre à faire passer l'ensemble de «Massacre à la tronçonneuse» pour de l'humour frivole. Joe Spinell, dans le rôle d'un psychopathe dégénéré que l'on suivra pratiquement pas à pas, est exceptionnel. MANIAC dégage une esthétique sombre, granuleuse, victime d'un New York by night des bas-fonds, où le crime agit partout (la longue séquence de poursuite dans les couloirs du métro est tétanisante). À l'évidence, le caractère « gore » des scènes de meurtres, dont la violence graphique est poussée jusqu'au paroxysme, traduit l'un des éléments primordiaux du film ; les effets spéciaux de Tom Savini, qui représentent l'essence même d'un jusqu'au-boutisme d'atrocités sanguinaires définitivement révolues dans le cinéma d'aujourd'hui en général, s'avèrent techniquement remarquables. Un diamant brut, icône sulfureux et morbide des principaux ennemis de la censure cinématographique du siècle passé.

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