mardi, décembre 13, 2005
Sheitan - Kourtrajme.

Vous avez 22 ans et votre première réalisation remonte à 1995, vous avez commencé très jeunes ?
Romain : Oui à 14-15 ans. En 95, avec Kim on a co-réalisé notre premier court-métrage de 20 minutes "Paradoxe perdu". On avait accès à une V8 familiale, le montage a été fait de magnéto à magnéto. Après on y a pris goût.
Kim : Personne ne voulait jouer dans ce court-métrage ce qui fait que nous avons dû jouer tous les rôles à nous deux. Après des potes ont aimé, certains qui faisaient de la musique nous ont proposé leurs sons. On a monté une bande au fur et à mesure. Ce premier court métrage n’est pas sur le DVD, il est en voie de disparition. Il mériterait un DVD à lui-même. "Paradoxe perdu" est le plus Kourtrajmé de tous nos court-métrages. Il y a de la zoophilie, du sperme et de la violence complètement gratuite. Nous voulions le mettre sur le DVD mais il n’y avait plus de place.
Depuis ce premier court-métrage que vous avez co-réalisé, chacun réalise de son côté tout en gardant la touche Kourtrajmé ?
Kim : "Paradoxe perdu" est le seul court métrage que nous avons co-réalisé. Maintenant chacun de nous réalise les films de son côté. Toumani Sangaré s’occupe de Kourtrajmé Africa dans le DVD il a sa rubrique. Toumani est parti à Bamako il y a 3 ans pour développer la vidéo sur place. Toumani c’est le "Steven Spielberg" de Bamako. Il fait tous les clips, les pubs. Avec sa caméra et son ordinateur, il est le roi !
Romain : L’unité que tu retrouves dans nos films est liée au fait que ce sont les mêmes acteurs qui jouent dans nos court-métrages respectifs. Nous avons les même façons de tourner. La musique tient une part aussi important que l’image dans vos court-métrages. Comment intégrez-vous la musique dans vos réalisations ?
Kim : Initialement nous choisissions les musiques au montage. Plein de personnes gravitent autour de Kourtrajmé : Lord Funk, Kifondat, Rocé, Nikkfurie, TTC, Mafia K’1Fry, Solo, Touré Kounda. Certains de ces artistes composent désormais des musiques pour l’une de nos scènes après l’avoir visualisée. Ils sont partie intégrante de Kourtrajmé.
Vous revendiquez le fait de ne pas écrire de scénarios. Vous avez même établi un dogme à ce sujet !
Romain : Le dogme de Kourtrajmé, c’est "Il est interdit d’écrire un scénario digne de ce nom". En fait nous avons l’histoire principale. On écrit des scénarios mais pas des scénarios digne de ce nom ! Je ne sais pas si tu saisis la nuance (ndr : rires). Ce qui veut dire que sur le lieu de tournage, tu vas devoir t’adapter ou intégrer des éléments en plus.
Kim : Les acteurs jouent leur rôle dans les films, ils amènent beaucoup de leur personne. Les scénarios sont aussi calés sur des histoires qui nous sont arrivées.
Cela reste une volonté de votre part de ne pas avoir de messages à délivrer et de se cantonner au domaine du délire ?
Romain : Nous n’avons pas la volonté de délivrer un message fort surtout à notre âge. Les court- métrages qui évoquent un message sont souvent ennuyeux. Le format court ne permet pas de délivrer un message ou une opinion personnelle sur la vie.
Dans l’avenir souhaiteriez-vous vous tourner vers le long métrage?
Kim : Nous ne cherchons pas à passer tout de suite à un long-métrage. Ce n’est pas encore d’actualité.
Mathieu Kassovitz a aussi commencé par le court métrage avec "Fierrot le pou" qui était très hip-hop avec la musique en fond sonore. Est-ce quelqu’un qui représente pour vous une influence ?
Romain : Nous avons kiffé ses films "Métisse" et "La haine". C’est quelqu’un que nous respectons.
Kim : Notre influence principale reste le réalisateur russe Mikheil Kalatozishvilli. Il a fait le film de propagande "I am Cuba". Nous ne te citerons que ce réalisateur comme influence mais on oublie à chaque fois son nom. Il filme en 35 mm en grand angle et plan séquence.
Le public connaît plus le clip de la Mafia K’1Fry qui a été censuré par les chaînes de télévisions que celui d’Oxmo Puccino qui a été diffusé. La censure ne créée-t-elle pas une visibilité plus forte ?
Kim : La censure créée un phénomène de médiatisation. Le clip de la Mafia K’1Fry "Pour ceux" qui a été censuré par les chaînes télévisées a eu un gros impact. En deux semaines, 40000 personnes ont téléchargé le clip sur notre site. Notre hébergeur nous a jeté et nous a demandé 15 000FF parce que notre site Internet explosait. Jamais nous avons fait une réalisation qui a été autant regardée. Notre mode de diffusion est basé sur Internet et les cassettes vidéos qui se passent de main à la main. Le public actuel de Kourtrajmé est principalement le public Internet.
Comment avez-vous réussi à créer le lien entre des gens comme Vincent Cassel et Mathieu Kassovitz et vos potes de quartier ?
Kim : C’est avant tout le désir de faire des films.
Bart : J’ai travaillé dans "La barbichette" avec Vincent Cassel. Je n’ai pas eu le temps d’y penser. Ils m’ont appelé la veille pour me dire que je tournais le lendemain avec Vincent Cassel.
Ladj : En plus d’être acteur, je commence aussi à réaliser de mon côté.
Le numérique introduit une démocratisation et permet à un nouveau public de se lancer dans la vidéo. Qu'est-ce qu'il vous apporte?
Kim : Avant que le numérique apparaisse, nous avons eu la chance d’avoir accès à des bancs de montage. En 95-96, nous étions déjà dans le montage donc quand le matériel numérique est arrivé nous avons été les premiers dessus.
Romain : J’espère que d’autres réalisateurs dans le même registre que nous vont se lancer. Nous aimerions participer à des battles vidéos avec d’autres réalisateurs qui seraient dans le même délire. Tu balances 3 minutes d’images, l’autre équipe balancent ses images, et le public gueule pour choisir le gagnant. On a déjà participé à ce genre d’évènements au Batofar.
Bart : Beaucoup de réalisateurs qui font du court métrage, le font dans l’optique de réaliser une bande démo pour passer au long métrage. Pour Kourtrajmé, ce format est une fin en soi, ce n’est pas une bande démo. En plus, beaucoup crament leur énergie dans des démarches pour réussir à filmer en 35mm alors que leur film ne sera jamais diffusé dans une salle en 35mm.
Romain : Ou alors, ils filment en DV comme si c’était du 35mm. Alors que le support DV apporte d’autres avantages. Le DV ne doit pas être considéré comme un handicap.
Vous répondez à des commandes de majors ou de publicitaires ?
Romain : Ce n’est pas notre but de faire des clips ou des publicités. Pour les pubs, ils ne veulent pas garder notre touche Kourtrajmé. Dans les années 90, le réalisateur des pubs pouvait être mis en avant. Comme Jean-Paul Goude pour les publicités Perrier. Maintenant, c’est uniquement le produit qui est mis en avant.
Vous pouvez présenter le contenu du DVD "Kourtrajmé Vol.1" ?
Kim : Le DVD contient deux volumes de 3 heures chacun. Le premier volume présente tous les court-métrages et le second tous les clips et les bonus. Il y a 1h30 de bonus cachés. Il faut trouver dans le DVD le lien menant à une page cachée qui te donnera un code d’accès à notre site Internet qui délivrera le plan du DVD. Il y a des bonus simples à trouver et d’autres pour lesquels il faut faire des manipulations plus compliquées. Le court métrage de Toumani Sangaré "Sacrifice de poulet" se trouve dans les bonus cachés. Il y a des liens qui ne seront pas dévoilés avant deux ans.