vendredi, novembre 04, 2005
La possibilité d'un crime.
Le Goncourt ce ne sera pas pour cette fois mon cher Michel. Je l’aime bien Michel, il me repose, il a cette manière détachée de nous dire qu’il nous hait, cette façon si polie d’avouer qu’il pourrait tuer. C'est devenu fashion de lire Houellebecq au même titre que Nothomb, puis presque au même moment c'est devenu fashion de ne plus l'aimer, trop connu peut-être. Vive la société canine. "S'il est un écrivain ayant bouleversé le paysage littéraire francophone ces dernières années, c'est bien Michel Houellebecq. Depuis la sortie de Extension du domaine de la Lutte il y a dix ans, il aligne les succès mais alimente également la polémique en relâchant son avis sur des sujets aussi hétéroclites et épineux que la religion, le clonage ou la sexualité. Né à la Réunion en 1958, fils d'un guide de haute montagne et d'une anesthésiste, il passe son enfance avec sa grand-mère (à laquelle il a emprunté le patronyme). Déjà à l'école ses camarades remarquent son sens de l'analyse hors du commun et le surnomment rapidement "Einstein"... Il faut dire que Houellebecq est un passionné de sciences et qu'il a tout du petit intello tourmenté et solitaire. Il s'inscrit à l'école supérieure d'agronomie car, selon lui, c'est le seul endroit où l'on avait la possibilité d'étudier toutes les branches scientifiques majeures. Il obtient un diplôme d'ingénieur en agronomie en 1980. Il se marie la même année et quelques mois plus tard naît son fils Etienne. Suivra un divorce et plusieurs hospitalisations en milieu psychiatrique pour une dépression sévère. En 1985, il rencontre Michel Bulteau (poète à qui l'on doit Le Manifeste électrique) qui publie ses poèmes. Six ans plus tard, Houellebecq nous livre une biographie de H.P. Lovecraft, auteur américain du début du XXème siècle qui s'est illustré dans la description de phénomènes monstrueux et incompréhensibles s'immisçant dans la vie des personnages. En 1992, son premier recueil de poèmes, La Poursuite du Bonheur, est publié chez les Editions de la Différence et récolte le prix Tristan Tzara. Comme déjà esquissé dans l'introduction, c'est Extension du domaine de la Lutte, son premier roman paru en 1994 qui va le faire connaître au grand public. Dès lors, Michel Houellebecq devient l'un des auteurs français les plus lus de même que l'un des plus critiqués. Il faut dire que ce premier roman a fait l'effet d'une bombe de par les sujets traités et surtout la manière dont Houellebecq l'exprime. Extension du domaine de la Lutte, largement autobiographique, raconte l'histoire de Michel, ingénieur en agronomie désabusé, dépressif et à la personnalité dyssociale. Passé la trentaine, il semble éprouver de la difficulté à trouver des motivations dans son métier. Quant à sa vie sentimentale, c'est un véritable champ de ruines. Ainsi on peut lire au début du récit : Les pages qui vont suivre constituent un roman ; j'entends, une succession d'anecdotes dont je suis le héros(...) si je n'écris pas ce que j'ai vu je souffrirai autant – et peut-être même un peu plus. Un peu seulement, j'insiste. L'écriture ne soulage guère. Elle retrace, elle délimite. Elle introduit un soupçon de cohérence, l'idée d'un réalisme. Michel va nous décrire ses relations avec ses collègues, ses rencontres avec les clients, mais surtout son mal-être profond, explicité dans certains de ses actes. Méprisant, misogyne, désespéré mais lucide... Et pourtant, on se surprend à rire aux éclats dans certaines situations dramatiques ou cocasses. Le verbe acéré, la plume agressive, Houellebecq est un observateur sans pitié des comportement humains. Une phrase de Lovecraft a, semble-t-il, marqué particulièrement Houellebecq : "Je ne participe jamais à ce qui m'entoure, je ne suis nulle part à ma place ». Ceci décrit à la perfection le personnage principal de ce premier roman, qui se lance également dans une théorie nouvelle du libéralisme, tant économique que sexuel : En système économique parfaitement libéral, certains accumulent des fortunes considérables ; d'autres croupissent dans le chômage et la misère. En système sexuel parfaitement libéral, certains ont une vie sexuelle variée et excitante ; d'autres sont réduits à la masturbation et la solitude (...) le sexe représente bel et bien un second système de différenciation, tout à fait indépendant de l'argent. Michel Houellebecq collabore également avec différentes revues dont les Inrockuptibles. Il faut ajouter qu'il est un grand fan de Neil Young, des Beach Boys et de Jimi Hendrix. Au niveau littéraire, Charles Baudelaire, Aldous Huxley et Thomas Mann sont les auteurs qu'il cite le plus volontiers comme références. Parmi les écrivains contemporains, Bret Easton Ellis. Féru de physique, Houellebecq va aborder le sujet de la mécanique quantique via Les Particules élémentaires, son deuxième roman paru chez Flammarion. Il retrace le parcours de deux demi-frères, l'un chercheur en biologie aux conceptions rationnelles, l'autre en pleine recherche du désir sexuel l'amenant à fréquenter un camping new age... Houellebecq nous décrit la vie plate de ces deux personnages qui peuvent tout à fait être assimilés à l'écrivain lui-même, mais finalement aussi à notre civilisation moderne, constituée d'individus en poursuite constante d'activités plus ou moins excitantes pour combler le vide de leur existance. Prenant la physique quantique comme parabole métaphysique de la société moderne, Houellebecq signe peut-être son roman le plus abouti. A la même période, certains de ses poèmes anciens et nouveaux sont publiés dans une nouvelle édition et Michel Houellebecq se marie pour la seconde fois. En 1999, il collabore avec Philippe Harel à l'adaptation cinématographique de Extension du domaine de la Lutte, avec Harel et José Garcia. Le film récolte des critiques mitigées. On déplore le fait que l'histoire soit difficilement appliquable sur grand écran, même si elle distille de manière adéquate l'essence du roman. Houellebecq s'installe en Irlande, où il écrira son troisième roman, Plateforme, en apparence plus positif que les précédents. L'amour paraît la solution face aux vicissitudes de la vie et Houellebecq est convaincu qu'une forme de salut peut naître grâce à ce sentiment... Récemment, l'écrivain a fait parler de lui dans la presse pour certaines déclarations pas toujours indispensables. L’agitateur public a notamment affirmé lors d’une interview accordée à Lire en 2001 : "La religion la plus con, c'est quand même l'islam. Quand on lit le Coran, on est effondré". Plusieurs associations islamiques se sont regroupées et lui ont collé un procès pour haine raciale, incitation à la violence et discrimination des musulmans. Houellebecq se défendit en disant qu’il critiquait la religion et non pas les praticants. Par ailleurs, selon lui, tous les livres sacrés véhiculent davantage un message de haine que d’amour et de partage. Le passage de l’écrivain chez Fayard pour la coquette somme de 1,3 millions d’Euros a également fait grincer des dents le milieu littéraire français qui a comparé ce transfert à ceux du domaine sportif, plus répandus. Enfin, Houellebecq a rencontré Raël, le chef de file de la secte délirante qui croit aux extra-terrestres et qui prétend avoir cloné plusieurs êtres humains. L’entretien a été qualifié d’intéressant par l’écrivain… Lassé des commentaires de la presse face à chacune de ses déclarations, Houellebecq est allé trouver la paix en s’installant en Espagne, où il a rédigé son roman suivant, La Possibilité d'une île, sorti plus que jamais dans un climat de polémique puisque Fayard n'a livré le script avant sa sortie qu'à des magazines "susceptibles d'émettre des critiques positives"...