vendredi, mars 10, 2006

 

J.S.A

"Un double DVD qui honore enfin une oeuvre intense et somptueuse injustement boudée par les distributeurs français. Menus luxueux, artifice de bonus, image et son haut de gamme, TF1 Vidéo, CTV avec la participation et le soutien du CNC n’ont ménagé aucun de leurs efforts pour offrir à cette édition de quoi réparer l’offense et sortir "JSA" de l’anonymat. Le DVD conserve toutefois l’identité et la personnalité de l’oeuvre en retraçant à sa manière la genèse du film. Il s’attache ainsi à l’élaboration de chacune des étapes et expose ouvertement les raisons de son triomphale succès partout où "JSA" a eu la chance d’être diffusé. La Zone Commune de Sécurité (Joint Security Area alias JSA) se trouve à Panmunjom, petit village coréen situé près du 38ème parallèle à la frontière des 2 Corées. Dès octobre 1951, ce même village servira de zone neutre aux multiples rencontres entre les représentants de l’ONU et les sino- Coréens. Après d’âpres négociations, un armistice sera enfin signé en juillet 1953. Toutefois, le pays restera coupé en deux. Côté Nord, les Coréens convaincus par le modèle communiste et soutenus par le régime de Moscou. Côté Sud, d’autres Coréens séduits par le modèle capitaliste et appuyés par Washington. La source de tension entre les deux camps est extrême et dans ce contexte, la moindre étincelle peut faire basculer non seulement les deux pays mais également le monde dans la guerre. En bref la théorie des dominos (un pays entraînant un autre pays allié dans la guerre et ainsi de suite) comme si vous y étiez ! La matière est d’une extraordinaire richesse et Sang-Yun Park, auteur de "DMZ" le roman duquel est tiré le film, le sait. Il lui a suffit d’utiliser cette tension pour servir une histoire forte, emplie d’humanité et d’universalité afin qu’elle parle au plus grand nombre. Cependant, pour que "DMZ" dépasse les limites de la Corée du Sud, le roman a besoin d’être adapté au cinéma. Compte tenu du succès qu’a déjà obtenu le livre, la production sera grandiose et la réalisation spectaculaire. Pour cela, Myung Film fait appel à Chan-Wook Park. Ce jeune réalisateur n’a jusqu’ici que 2 films à son actif ("Anarchists" et "The Humanist") mais la solide réputation de prendre des risques. Ca tombe plutôt bien car le sujet est risqué. "DMZ", devenu pour le cinéma "JSA", traite de l’impossible et pourtant souhaitable rapprochement entre les 2 Corées à travers les rapports passionnels et violents de 4 soldats (2 coréens du Nord et 2 Coréens du Sud). 4 personnalités bien marquées, 4 stéréotypes qui ne manquent ni d’audace ni de ténacité pour faire évoluer les rapports tendus entre les deux entités politico-géographiques d’un seul et même pays. Le baroudeur, le comique, le peureux et le téméraire forment le socle de la narration. Tous les autres personnages ne servent qu’à les faire se rencontrer ou se séparer, cherchant à pénétrer ou à briser le cercle de leur relation. Si le film débute comme un polar fort bien ficelé en territoire militaire, "JSA" prend rapidement de l’altitude à travers la relation que nouent ces 4 hommes. La réalisation particulièrement soignée (cf. les champs de blé) combinée à l’excellente prestation des acteurs offrent au spectateur de grands moments de cinéma et certaines scènes d’anthologie (cf le feu d’artifices de mines, la bataille de crachats au- dessus de la frontière). Vous trouvez le compliment poussé mais à la vision d’un tel bijou, on ne peut qu’être transporté tant par l’atmosphère que par la portée du discours. C’est une oeuvre importante voire majeure dans cette époque propice aux tensions de toutes sortes. "JSA" est un plaidoyer pour l’amitié contre la haine et l’exclusion parce qu’il remonte aux sources de ce qui crée la division : l’ignorance. On a peur de ce qu’on ne connaît pas et ce sentiment nous fait détester ce qui nous est inconnu. C’est la grande force du film ; avoir su dépasser les idéologies. En s’abstenant de juger, il renvoie dos à dos les deux camps en se moquant de leurs peurs issues de leur bêtise et de leur suffisance. "JSA" les fustigent, ridiculisant tour à tour cette Organisation des Nations Unies incapable de montrer une véritable neutralité, les sud-coréens "bouffeurs de cocos" puis les communistes embourbés dans leur propre spirale propagandiste. Il n’y a plus pour les deux côtés ni Bien ni Mal, ni Bon ni Mauvais mais une seule et même stratégie ; celle de l’annihilation de l’autre par des calculs aussi machiavéliques que mesquins. Les deux camps condamnent ainsi les protagonistes au mensonge, au meurtre, "au massacre" dira l’un d’eux. L’horreur côtoie souvent le merveilleux et de l’horreur d’une guerre fratricide, "JSA" extrait le miracle de l’amitié, preuve incontestable qu’il reste encore assez d’humanité en l’homme pour rétablir la paix. Habillé d’universalité, "JSA" a su trouver les mots et les images pour nous sensibiliser à la cause coréenne. En pointant sa caméra sur des hommes injustement séparés avant de s’intéresser aux soldats, il nous a rappelé qu’en France, en Allemagne, en Afrique du Sud, il n’y a pas si longtemps de cela, les combats fratricides avaient divisés avec une pareille horreur et une même intensité. Drôle de monde, drôle de guerre, drôle de beau film... à ne rater sous aucun prétexte"

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