vendredi, juin 30, 2006
La maison des 1000 morts.
"S'il n'atteint pas les monts d'ultraviolence de The Devil's Rejects (The Devil's rejects), La Maison des 1000 morts (en DVD le 5 juillet prochain) constitue les prémisses passionnantes de ce dont Rob Zombie est capable d'exécuter sur la pelloche. Le résultat ressemble à un train-fantôme dans une fête foraine: plus il progresse, plus il étreint dans sa fureur et sa folie démoniaques. La définition même d'un film malade et par extension d'un genre malade. Que l'on se rassure: les précipités post-Scream ne sont plus à l'ordre du jour. Le calibrage teenage est devenu plus exigeant. Début du nouveau millénaire : les remake de films d'horreur ont le vent en poupe et la mode est à l'overdose crapoteuse (cf. les formidables remake de Massacre à la tronçonneuse par Marcus Nispel et, dans un second temps, La colline a des yeux par Alexandre Aja). Difficile à croire mais La Maison des 1000 morts est né d'une concurrence entre Dark Castle (La maison de l'horreur), New Line (Massacre à la tronçonneuse) et Universal qui innocemment a confié la réalisation d'un projet de film de cannibale au déjanté Rob Zombie afin de ridiculiser la concurrence. C'était une aubaine pour l'artiste qui commençait à se lasser du monde de la musique. Pour lui, le cinéma est un excellent moyen pour laisser libre cours à son imagination. Le style qu'il déploie rassure la boîte dans sa faculté à créer des univers barrés. Etant donné qu'aucun acteur n'est connu et que le scénario ne nécessite pas de moyens excessifs, Universal délivre les millions et laisse les coudées franches à Rob Zombie. Lorsqu'ils découvrent le film, c'est la catastrophe puisqu'ils s'attendaient plus à un nanar pour ados en manque de frayeurs qu'à un objet aussi sulfureux. Inédit pendant trois ans, La Maison des 1000 morts sort enfin en DVD Cette bonne nouvelle ne tombe pas dans les oreilles de sourds puisque Lions Gate Films qui n'a rien contre les objets filmiques détraqués qui osent s'asseoir sur la bienséance et la morale (Saw, de James Wan auquel personne ne semblait croire et qui finalement a retourné tout le monde au propre comme au figuré) rachète l'élixir impur de Zombie pour le distribuer dans une version "R", interdite au moins de 17 ans non accompagnés avec 20 minutes de gore en moins (la version uncut reste pour l'instant dans les tiroirs). Au grand dams d'Universal, La Maison des 1000 morts se fait une sacrée réputation à tel point que Lions Gate Films lui propose d'écrire une suite qui, bien entendu, n'a rien à voir (The Devil's Rejectss) et repousse encore plus férocement les limites du bon goût. Aujourd'hui, Universal s'en mord les doigts. Qui aurait pu croire que Rob Zombie alias Robert Cummings réussirait à relancer le genre horrifique et, corrélat, à mener une carrière aussi polyvalente ? Depuis ses débuts, on lui doit six albums au sein du groupe White Zombie, quatre albums solos, une bande dessinée adaptée pour le grand écran (The Haunted World of El Superbeasto) et deux films d'horreur qui ont marqué les rétines de ceux qui ont osé les fréquenter (La Maison des 1000 morts et The Devil's Rejectss). Si bien qu'aujourd'hui, l'ami Rob semble blasé: "Je n'ai plus vraiment d'objectifs à atteindre, en ce sens que j'ai déjà vendu plusieurs millions d'albums. Je suis donc déjà passé par là. Ce qui m'intéresse le plus, aujourd'hui, c'est écrire de bonnes chansons, jouer de la musique, avoir du plaisir et donner des concerts divertissants. C'est réellement ce qui compte le plus à mes yeux". A l'origine, Zombie devait réaliser le troisième volet de la saga The Crow mais de nombreux désaccords entre Rob et les producteurs ont voué cette sequel à l'échec. Réalisé dans les conditions que l'on sait, House of the 1000 Corpses a acquis le statut de film culte, essentiellement chez les goreux. D'aucuns n'y voient pourtant que de la roublardise et décèlent les influences de l'épigone. Or, loin d'être un maelström palot de références plus ou moins directes, le film de Rob Zombie épouse la personnalité du chanteur des feu White Zombie : drôle, sans limites et dégénéré. Certaines idées proviennent de son cerveau fécond à l'instar de la station service qui se transforme en parc d'attractions ou encore la description de cette famille qui attend des visiteurs pour accomplir des rites sataniques. De la même façon que Marylin Manson a aimablement pillé Alejandro Jodorowsky pour l'esthétique de ses clips, Rob Zombie reprend, lui, ironiquement, le style MTV en le mixant à des allusions persos, des films de terreur viscérale des années 70 (Massacre à la Tronçonneuse, en premier lieu). Mais la forme faussement rassurante et la désinvolture apparente sont des leurres pervers : La Maison des 1000 morts est en réalité sous ses allures de film de potes sympathiquement barré, un précipité vraiment malsain qui joue avec le sang et se contre-fout de la morale, comme nous le prouve un dénouement en queue de poisson, qui rappelle celui de l'inestimable Brazil de Terry Gilliam. L'effet n'est pas le même (Brazil est un film qui rend malade au propre comme au figuré), mais c'est surprenant. Les personnages sont tous aussi tarés les uns que les autres et, dans cette famille sanguinaire, ils ne rivalisent que de médiocrité. Par la concentration de formes viles, par l'oppression de tics formels agaçants, le film ressemble à Hellbilly délire de luxe : souvent drôle et très mal élevé. En 2005, Rob livre sa nouvelle copie The Devil's Rejectss (on a finalement échappé à la traduction française un temps envisagée Les Rejetons du diable): il s'agit d'une suite diamétralement opposée au premier volet dans le registre visuel ou même du ton mais qui s'avère en tous points supérieure. Supérieure dans la narration encore plus malade. Supérieure visuellement parce qu'elle évoque, entre autres, l'esprit des survival des années 70. Cela peut se voir comme une réponse à ceux qui ne prenaient pas l'apprenti cinéaste au sérieux. De l'un à l'autre, Zombie gomme les aspérités tannantes (filtres esthétisants maladroits) et affirme son goût pour les trognes et les dialogues très écrits, voire égrillards et cocasses, pour ne pas dire tarantinesques. Passé un prologue hystérique, le film prend son temps pour édifier un contexte, une situation, une histoire. Dans les salles en France le 19 Juillet L'importance des médias à travers la télévision et le parcours des deux tueurs malades évoquent Tueurs nés mais le film de Stone est plus pernicieux, pour ne pas dire opportuniste. La forme stylisée va à l’encontre du fond, très provocateur, ouvertement barré, complaisant et exagérément dénonciateur qui fait mine de prendre à la légère un propos tendancieux sur le rapport avec les médias. Stone n’y a pas été de main morte, c’est peut-être ce qui fait la qualité du film, mais c’est à partir de cet instant qu’il a perdu quelques uns de ses plus grands fans. Certains lui ont reproché – et lui reprochent toujours – d’avoir fait un film pop-corn sur l’ultraviolence. The Devil's Rejects, de Rob Zombie, présenté comme un avatar Tarantinesque, se situe plus dans le sillage de Tueurs nés avec les risques que cela comporte. Rob Zombie, tout aussi provocant que pouvait l'être Stone, ne cherche pas à dénoncer quoi que ce soit et plaide davantage pour le plaisir immédiat. Fait de contradictions et de passages brutaux, The Devil's Rejectss s'impose comme un authentique film de tarés proche du cinéma de Peckinpah, chaud et méchant comme l'enfer, plus maîtrisé et dur que La Maison des 1000 morts. Plus amoral et violent parce qu'il se complaît à nous rappeler accessoirement que sous le masque gentil du clown peut se cacher un vilain monsieur (Sid Haig, sorte de vieux Tim Curry du temps d'Il est revenu). C'est en cela, dans sa perversion des conventions et des figures archétypales, qu'il est aussi très sulfureux et assez drôle. A l'heure qu'il est, on croit tellement en Rob Zombie qu'on compte sur lui pour donner du sang neuf à la série des Halloween. Si les studios le laissent faire ce qu'il veut, le résultat pourrait être très intéressant. Au moment où la censure semble faire rage, les films d'horreur made in US abusent mine de rien de la surenchère pour livrer des oeuvres complètement timbrées. Certains ont démontré une volonté d'en foutre plein la vue quitte à offusquer les bien-pensants. Mais le phénomène n'est pas récent: Bonnie & Clyde, de Arthur Penn, demeure sans conteste comme l’un des premiers films à montrer l'ultraviolence au cinéma, à la cerner et à la décortiquer, de manière aussi libre. Depuis, les mœurs ont changé et la violence, qui peut parfois se traduire comme le constat d’une société déshumanisée (on peut montrer la violence sans avoir recours aux geysers de sang), est devenue plus tolérée même s’il faut toujours faire attention à son utilisation (à quels fins ? Dans quel but ?). Rob Zombie ne lui accorde pas autant d'importance que Sam Peckinpah qui s’était toujours sérieusement intéressé à la représentation de la violence au cinéma. Ce dernier avait mis au point le système des squibs, vessies pleines de sang qui explosent sur commande, et avait souvent recours à des effets formels brillants pour représenter l’impact d’une balle ou filmer la douleur. Par exemple, Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia se conclut sur une image mémorable pour symboliser toute l’absurdité de cette tragédie. On rapproche souvent Zombie avec le Tarantino du début : l'analogie n'est pas anodine puisque les deux cinéastes se sont désormais fait une spécialité des dialogues très écrits, des emprunts à des formes cinématographiques isolées puis régurgitées et de l'alchimie d'humour et de violence dans un même élan. La scène de torture dans Reservoir Dogs était représentative de cette mouvance et c’est ce qui explique son succès culte. Ça reste en Asie que l’on retrouve les spécimens les plus stupéfiants, notamment à Hong Kong. Le cinéma extrême-oriental est le grand spécialiste des catégories 3 avec des fictions souvent méconnues dans nos contrées mais atteignant sans peine des summums. Herman Yau Lai-to en connaît par exemple un rayon sur le sujet. En 1996, alors que le cinéma HK bat de son plein cœur cinéphile et que les catégories III ont le vent en poupe, Yau sort Ebola Syndrome dans lequel il reprend tous les ingrédients marquants de son impressionnant Untold Story et les colmate dans un nouveau festin plus rutilant avec le même argument principal : Anthony Wong. Il suffit au spectateur de regarder cinq minutes de ce film pour se faire une idée de sa capacité émotionnelle à endurer des images graphiques, violentes ou marquantes. Plus impressionnant que The Devil's Rejectss et La Maison des 1000 morts réunis, Murder Set Pieces, de Nick Palumbo, est un de ces produits dégénérés qui, avec une excellente opération marketing, pourrait faire parler de lui. En terme de qualités cinématographique, il n'arrive pas à la cheville des deux précipités de Zombie mais son contenu est redoutable: le propos s'avère si dérangeant qu'il a reçu un accueil (critique, public, puriste) glacial lors de sa sortie aux Etats-Unis. Après l’avoir vu, on peut comprendre les raisons de ce rejet quasi-unanime. Une première lecture de Murder-Set-Pieces inspire le dégoût et la nausée avec ses parallélismes nauséabonds, voire équivoques. Ce serait lui ôter tout le second degré de son discours bizarrement plus ridicule qu’offensif, tant ses uniques ambitions se résument à choquer délibérément. Comparativement aux récents opus horrifiques qui narrent les parcours de tueur(s) en série, ce film se distingue par sa volonté de dépeindre l’univers clinique de son personnage dans un appartement vide, en écho à ses sentiments inexistants. Là où le bât blesse, c’est que le résultat ne se résume qu’à une succession de séquences bouchères, mises en scène avec une certaine complaisance, qui à défaut d’apporter un point de vue ou une réflexion sur le parcours (pour le coup dépourvu de toute concession ou de jugement moral), en fout plein la vue. Murder Set Pieces Le personnage principal est un photographe tueur en série qui écume les bars pour photographier (et lever) les prochaines victimes, si possible dans des plans à trois, ça fait plus mode. Quand il tue ou quand il est énervé, il parle en allemand. Parce que, oui, il est d’origine allemande. Histoire de souligner sa besogne assassine avec le passé de son pays en proie au démon délétère. Evidemment, il se couche tous les jours avec une photo de son papa qui sert la pogne du dictateur. Evidemment, il fait ses pompes en matant des vidéos des discours du Führer. Evidemment, il habite une baraque luxueuse où personne n’entend crier ses victimes réfugiées dans le sous-sol. Au moins, ce lien intrinsèque possède le mérite de soulever une problématique intéressante (est-ce que le mal est atavique ?), mais Murder-Set-Pieces a l’impolitesse de ne pas répondre à la question. Loin de toute considération sociale ou politique (puisque ces allusions sont davantage provocatrices que sincères), Palumbo donne l’impression d’avoir isolé les scènes paroxystiques des films d’horreur qu’il regardait ado et de les avoir assemblés pour former un morceau de barbaque sanglant avec la volonté secrète de réaliser le film le plus dégueulasse. Certains éléments qui font le quotidien du meurtrier sont bien exploités à l’instar du masque de cochon et surtout des dentiers bien méchants. La détermination de situer l’univers du tueur dans un contexte réaliste renvoie à The Ugly, Chopper et Henry, portrait d’un tueur en série. Palumbo situe son récit à Las Vegas et ce n’est certainement pas un hasard puisque comme Verhoeven dans Showgirls, il semble décrire un monde putride de l’intérieur rongé par la cupidité et le sexe sans désir, symbolisés ici par la ville dégoulinante de luxes artificiels. Dans son genre, c’est bien mieux que Feed, de Brett Leonard, et son générique de fin sur fond de Cappella. Ici, on entend de la techno et du rock craignos qui rappelle la texture de la facture : nous sommes en présence d’une série B qui ne revendique rien. Le film se distingue par ses meurtres envers des femmes majoritairement dépeintes comme des salopes bonnes à baiser et à saigner et des jeunes gamines. Quelques idées bien cradingues avec ce tueur qui se fait faire une turlute par une tête de victime décapitée comme dans Haute Tension. Quelques balbutiements du côté de la découverte de la sexualité chez l’enfant qui renforce le contraste entre un monde enfantin (les mômes déguisés pendant Halloween) et un autre, celui, lubrique et pervers, des adultes. Quelques cameos sympas comme celui de Tony Todd, pas encore remis de Candyman, dans un rôle gratiné. Quelques passages bien crades qui donnent envie de sortir la tronçonneuse. C’est très certainement une bonne blague, oui, mais elle fût de très mauvais goût. Les amateurs s'y risqueront; les autres se contenteront de The Devil's Rejects qui possède déjà son (lourd) cortège de scènes fortes. On vous aura prévenus mais une question, légitime, se pose : quelles sont les limites de ce cinéma ?"