vendredi, juin 23, 2006

 

Development hell.

"Lorsque Bryan Singer est embauché en 2004 pour réaliser un nouveau Superman, il résout près de 20 ans de development hell dans lequel s’était empêtré le projet d’un nouveau film avec le mythique héros. Pour relater correctement les aléas de la production, il faut remonter jusqu’en 1987, année de la sortie du pitoyable Superman IV produit par le duo Menahem Golan-Yoram Globus, patrons de l’inénarrable Cannon (berceau d’un bon nombre de séries B voire Z avec entre autres Chuck Norris). Encore détenteur des droits du personnage, le tandem envisage de sortir un cinquième film, monté autour de scènes coupées du précédent, avec un nouvel acteur, Christopher Reeve étant fatigué des méthodes de Golan-Globus. Albert Pyun, ayant déjà réalisé Cyborg (avec Jean-Claude Van Damme) pour le studio, est considéré. Malheureusement (ou heureusement plutôt), la Cannon essuie quelques problèmes financiers et le film ne peut être produit à temps. Les droits reviennent donc à un autre duo de producteurs, instigateurs du premier film en 1978, Alexander et Ilya Salkind. Il est alors envisagé de relancer la franchise à partir de la série télévisée Superboy. Deux scénaristes de ladite série, Cary Bates et Mark Jones, également auteurs de comics, sont engagés et Gerard Christopher, Superboy lui-même, doit reprendre le rôle-titre dans un film intitulé Superman : The New Movie, prévu pour 1994. Seulement en 1993, la Warner rachète les droits hors-bande dessinée de Superman et force également les Salkind à retirer Superboy de l’antenne pour céder la place à une nouvelle série, Loïs et Clark, les nouvelles aventures de Superman. Pour ce qui est du grand écran, c’est à cet instant-là qu’est lancé le principal feuilleton concernant la concrétisation d’une nouvelle adaptation avec un projet intitulé Superman Reborn, inspiré de l’arc scénaristique issu de la bande-dessinée suivant la mort et le retour de Superman, avec le producteur Jon Peters à la barre. Aujourd’hui considéré comme l’Antéchrist par la communauté geek, Jon Peters est alors le responsable du succès du Batman de Tim Burton, sorti en 1989. A l’origine, Peters était le coiffeur de Barbra Streisand. Tout est dit. Mais répétons-le une fois tout de même, de manière à rappeller l’incompétence du bonhomme. Peters choisit Jonathan Lemkin (Planète rouge) pour rédiger le script. Ce dernier livre une version volontairement kitsch de l’histoire, plus proche de la série Batman des années 60 ou des films bariolés de Joel Schumacher. L’histoire voyait notamment une Immaculée Conception imprégner Loïs de l’enfant de Superman au moment de sa mort. Après sa naissance, le bébé grandit de 21 ans en trois semaines et sauve l’univers. La Warner rejette le manuscrit et Peters enrôle alors Gregory Poirier (scénariste de teen movies tels que Fausses rumeurs et Les Tombeurs) qui livre une version contenant pas moins de quatre méchants (surenchère qui n’est pas sans rappeller le nanar Batman & Robin) et dans lequel Superman est un expert en arts martiaux kryptoniens. No comment. Face à un scénario qui ne convainc toujours pas les exécutifs, le studio jusqu’à faire appel à Kevin Smith, auteur de comédies mettant en scènes de jeunes adultes confrontés à leurs problèmes (sentimentaux, professionnels), mais également parcourues de références à la sous-culture dont les comics. Superman Reborn devient Superman Lives et Smith a beau souhaiter être fidèle au matériau de base, Peters lui met constamment des bâtons dans les roues. Outre l’évidente inculture du producteur en ce qui concerne le personnage, celui-ci lui impose plusieurs contraintes qui vont du non-sensique (Superman ne doit pas porter ce costume qui, selon Peters, fait « trop pédé », et ne doit pas voler) au simplement débile (Superman doit affronter une araignée géante dans le troisième acte, son adversaire, Brainiac, doit se battre contre des ours polaires). Influencé par les succès récents au box-office (dont la ressortie de la trilogie Star Wars en 1997) et appâté par les revenus potentiels du merchandising, Peters demande à Smith d’inclure des sidekicks à l’histoire, à l’instar de Chewbacca ou de R2-D2 (un R2-D2 gay de préférence pour Peters). « Parce que l’intérêt de ce film, c’est quand même qu’on puisse en tirer des jouets », affirme-t-il. A la lecture de ces quelques jets, Tim Burton et Nicolas Cage s’attachent au projet. Mais Burton trouve l’approche de Smith trop fidèle et amène son propre scénariste, Wesley Strick (Arachnophobie, Wolf) pour réécrire le film. Les petits esprits se rencontrent faut-il croire car Burton non plus ne veut pas voir Superman voler et songe à l’emploi d’une Supermobile ou de téléportation. Le costume original n’étant toujours pas de leur goût, l’idée d’une armure à la Batman, ainsi que des gadgets kryptoniens, est entretenue. Le projet est alors plus proche de se faire que jamais et des rumeurs de casting commencent à circuler. Burton préférerait Ralph Fiennes à Cage dans le rôle du protagoniste et contacte le catcheur Hulk Hogan pour incarner le méchant Doomsday, le comédien Tim Allen (Galaxy Quest) pour interpréter Brainiac, l’humoriste black Chris Rock pour jouer le photographe Jimmy Olsen, Kevin Spacey pour Lex Luthor et Cameron Diaz pour Loïs Lane. Grâce en soit rendue à quiconque règne au-dessus d’Hollywood, cette version est rejetée par la Warner. Burton embauche Akiva Goldsman (les Batman de Schumacher) pour des retouches. Puis Ron Bass (Rain Man) est appelé pour retoucher cette version-là. Puis Dan Gilroy (Two for the Money). Une à une, chaque nouveau jet essuie les refus de la major. Pire encore, à ce moment-là, le budget du film est estimé à 140-190 millions de dollars. A l’époque, Titanic n’est pas sorti, et rien que 100 millions de dollars pour un film, c’est déjà trop cher. Par ailleurs, déjà 30 à 40 millions de dollars ont été dépensés en pré-production. Malgré une toute dernière version qui semble convenir à la Warner, les accès d’égocentrisme de Tim Burton agacent le studio qui décide de le licencier à la fin de l’année 1998. Pendant ce temps, un fan inconnu du nom d’Alex Ford tente de convaincre les exécutifs de produire une série de six à sept films à partir d’une idée à lui. Une fois de plus, devant trop de fidélité, Jon Peters réfute l’idée et la Warner suit. A l’instar de la version de Kevin Smith, le scénario de Ford est disponible sur Internet et les deux sont considérés comme de très bonnes adaptations par la communauté de fans. Peters tente alors de convaincre Michael Bay (The Island), Brett Ratner (X-Men 3), Stephen Norrington (Blade), Shekhar Kapur (Elizabeth), et Martin Campbell (Goldeneye) qui détestent tous le scénario de Gilroy. Fin 1999, cette version est abandonné et William Wisher (Judge Dredd) est désigné pour recommencer à zéro. Suite au succès de Matrix, la nouvelle approche opte pour un costume similaire à ceux portés par Neo. Cette version est refusée par Oliver Stone, intéressé un temps par le projet. Nicolas Cage quitte l’aventure au cours de l’année 2000. Peters propose à Russell Crowe de reprendre le rôle, en vain. Entre temps, Wisher est écarté et Paul Attanasio (Sphère) est enrôlé pour un scénario intitulé Superman : Destruction. Son traitement de 50 pages ne sera jamais utilisé. Arrive McG, fraîchement débarqué du succès de Charlie et ses drôles de dames, dont il compte adopter dans un premier temps le second degré sur ce cinquième volet des aventures de Superman. Deux projets apparaissent alors quasi-simultanément. D’un côté, Batman Vs. Superman, écrit par Andrew Kevin Walker (Seven) et retouché par Akiva Goldsman, de l’autre, un reboot de la franchise, premier épisode d’une nouvelle trilogie, écrit par J.J. Abrams (Alias, Mission : Impossible – 3). Wolfgang Petersen (Poseidon) est attaché au premier et les rumeurs veulent que Colin Farrell et Jude Law incarnent respectivement Batman et Superman. Bien que présentant un Superman vêtu de son costume original et volant, le scénario d’Abrams est le favori de Peters ainsi que la Warner qui y voit évidemment un projet plus rentable (nouveau départ) là où le crossover de Walker et Goldsman n’est pas aussi « marketable ». Cependant, malgré la restitution de deux caractéristiques primordiales du super-héros, l’approche d’Abrams est loin d’être réellement fidèle. McG part tourner la suite de son premier film et la Warner fait à nouveau appel à Michael Bay qui refuse une fois de plus. Rob Bowman, Michael Mann, Steven Soderbergh, David Fincher, Kevin Reynolds, et Stephen Sommers sont considérés mais c’est Brett Ratner qui signe. Pendant ce temps, Richard Donner (réalisateur du film initial de 1978), M. Night Shyamalan (fan de Superman et réalisateur d’Incassable) et Joel Silver (producteur de Matrix) essaient de convaincre la Warner de leur confier les rennes du projet plutôt qu’à Peters. Rien n’y fait. Anthony Hopkins est engagé par Ratner, avec qui il vient de tourner Dragon rouge, pour interpréter Jor-El, le père de Superman. Le metteur en scène cherche un inconnu pour tenir le rôle principal. C’est à ce moment-là que le site américain réputé, Ain’t It Cool News, met la main sur le scénario de J.J. Abrams. Et soudain, c’est le drame. Le manuscrit est descendu en flammes par l’un des rédacteurs du site pour ses choix scénaristiques ridicules ainsi que d’impertinentes infidélités à la bande dessinée. Le fanbase crie au scandale. Une pétition circule sur le net et comprend les signatures de nombreux auteurs de comic books, dont Stan Lee et Kevin Smith. Nous sommes en automne 2002. Suite à ces critiques, plusieurs détails de l’histoire sont changés et ce deuxième jet semble plus convaincant (d’autant plus que la première version comportait son lot de scènes réussies selon même les détracteurs les plus violents). Un communiqué officiel de la Warner annonce la mise en chantier du projet et le début de la pré-production. Alors qu’il a déjà engagé un bon nombre des principaux techniciens, Ratner semble être en mauvais termes avec le studio qui chercherait à le remplacer par Tarsem (The Cell), Joseph Kahn (Torque), David McNally (Coyote Girls), Antoine Fuqua (Le Roi Arthur) et toujours Michael Bay, pour qui Josh Hartnett (Pearl Harbor) serait prêt à endosser la cape. Menacé, Ratner vient démentir ces « rumeurs », mais le studio ne croit plus en lui et le fait savoir en mars 2003. L’un des principaux problèmes entre Ratner et la Warner réside dans le choix de l’acteur. Le studio veut une star (comme Hartnett, ou n’importe quel autre minet à avoir été auditionné) tandis que Ratner veut un inconnu (comme le dénommé Matthew Bomer, son favori). Le tournage est repoussé d’août à novembre 2003 à cause de cette question de casting. Brendan Fraser (La Momie) et Matthew Bomer semblent être les deux candidats finaux. Le budget serait estimé à 225 millions de dollars mais le studio espère le descendre à 200. Puis le contrat de Ratner expire (Hopkins part avec lui), la Warner se sépare de Fraser et Bomer et relance les auditions. La date de sortie, prévue pour l’été 2004, est repoussé d’un an. La même liste de réalisateurs potentiels réapparaît avec le nom de McG en plus. L’histoire se répète inlassablement et McG fut une nouvelle fois engagé pour mener à bien le projet dont le tournage doit commencer fin 2003 en Australie, puis en juin 2003 au Canada, ou en Angleterre. L’estimation du budget atteint les 265 millions de dollars. Le casting n’avance pas, avec des noms comme Justin Timberlake et Ashton Kutcher étant évoqués. Plusieurs membres de l’équipe quittent le navire suite aux reports sans fin du tournage. McG part également, victime de sa phobie de l’avion, refusant donc de tourner en Australie, loin de chez lui. Il va sans dire que la Warner ne contrôle plus rien. Une opportunité se crée alors pour Bryan Singer qui rencontre Alan Horn, à la tête de la Warner, et lui expose son pitch pour un nouveau Superman qui n’aura rien à voir avec la mort/résurrection du personnage et ne saura aucunement un reboot à la Batman Begins. Son approche se veut on ne peut plus respectueuse du film de Donner et comprend le film comme un « vague background » à son propre film, reléguant aux oubliettes Superman III et IV (et une partie de Superman II). Peut-être sont-ils éprouvés après tant d’années de galère sur le projet, peut-être Singer s’est-il avéré plus convaincant que tous les autres acteurs de ce triste drame, quoi qu’il en soit, devant l’étonnement général, le projet reçoit le feu vert et le scénario d’Abrams est complètement abandonné. Après tant de déboires, Bryan Singer saura-t-il satisfaire pleinement les fans ? Réponse le 12 juillet."

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